Du premier vivant à Homo Sapiens
Actu 29 03 2021 format LDP
Mots clés : Homo Sapiens, homme moderne, vivant initial, encapsulation, créationnisme, hasard, écosystème, génétique, phénotype.
Théorie écosystémique du vivant. J’avais, à l’origine choisi, ce titre pompeux mais il me faut être plus modeste car la science galope si vite qu’il est inconvenant de se prétendre autre chose que théoricien du jour.
Ce sera simplement une tentative de présenter en quelques pages, une série de postulats.
Les notes ont été prises à diverses périodes entre 2015 et 2020
Kristo de Foulonval
Première partie : le Vivant, un transformiste combattant ou un gentil malin.
Pour répondre à cette question, il faut faire un profilage du vivant et chercher ses origines.
Quelle est la définition du vivant ? Tout discours mérite une définition pour situer le champ du débat et de la critique. Donner une définition ce n’est pas asséner une vérité mais fixer l’angle d’approche qui permet d’explorer la richesse du paradigme.
Le vivant est un système capable de produire un métabolisme durant une période déterminée, et à le reproduire dans un milieu qui lui procure de l’énergie.
C’est un système à la fois partiellement autonome et partiellement dépendant, capable d’échanger avec le milieu extérieur mais qui se distingue de lui par son propre système de fonctionnement et de protection. Cela m’amène à proposer les deux premiers principes du vivant :
Le premier principe formule que l’échange avec le milieu extérieur de tout métabolisme est une nécessité pour ne pas disparaître. Ce principe pose un postulat quasi métaphysique (ou philosophique, à vous de choisir). C’est celui d’un milieu extérieur du milieu extérieur du milieu extérieur… ou la généralisation d’un monde multi systémique.
Tout vivant qui veut survivre doit échanger avec le milieu extérieur mais il doit également se protéger de ce dernier pour ne pas disparaître.
Le second principe est celui de l’encapsulation qui postule que se forme spontanément une barrière spécifique lorsque deux milieux différents, se trouvent en contact. L’homogénéisation qui peut se produire entre deux milieux vient rompre la tendance à passer à un niveau supérieur d’organisation. La séparation, a contrario, donne naissance à des systèmes constitutifs complexes et durables qui s’organisent pour évoluer et s’adapter à leur environnement en toute indépendance (ou presque, car il semble exister un lien au sein d’une même espèce). L’encapsulation est à la fois une protection physique, mais également un moyen de régulation des flux (échange de liquide, de matière, de gaz) et du temps (gestion d’un temps adapté et de son écoulement).
Qui est le vivant initial ? C’est une question aussi vieille que celle de l’apparition de l’Homo Sapiens qui pourrait avoir été le premier à se poser la question.
Une réponse simple est le dogme créationniste au sens strict. Non, il n‘est pas mort. Il est encore très répandu dans les milieux évangélistes aux USA (46% de créationnistes aux USA en 2012 selon un sondage Gallup). Dans ce cas, la question de l’évolution du vivant ne se pose pas puisque c’est « dieu » qui décide de tout. Cela est rassurant, et devrait alors permettre d’économiser du papier, de l’encre et du temps. Et, si l’on pense que cela n’est pas satisfaisant, alors que faire ? Plusieurs hypothèses sont imaginables. Plus qu’une analyse des différentes hypothèses, c’est un débroussaillage du vocabulaire qu’il faut faire. On entre très vite dans un schéma de pensée qui restera confus s’il n’est pas précisé.
La première hypothèse non créationniste serait que le vivant provient de notre planète terre. La génération spontanée a été longtemps l’hypothèse retenue. Lorsque la science a montré que le vivant observable n’était pas créé de la matière inerte, d’autres hypothèses ont mis en avant un contexte particulier, un hasard, qui va amener à la création d’une cellule capable de se reproduire. Mais dans ce cas, le mot spontané prend le sens d’un hasard, une infime probabilité que le phénomène se produise à un moment particulier de l’histoire du cosmos. Ce hasard a fait se rencontrer des composantes électro-physico-chimiques qui répondent ensemble aux critères du vivant que nous avons définis préalablement.
Parenthèse : Le hasard. On ne peut pas continuer cet écrit sans prendre position sur le hasard, l’ordre et le désordre et dans ses prémices sur le concept de déterminisme. Je suis pour une double définition : le hasard systémique et le hasard aléatoire.
Le hasard systémique : Plus grande est la diversité non organisée d’un système (un désordre riche), plus il engendre des sources de combinaison. C’est donc la combinaison (une structure d’ordre multiple) entre les systèmes et les sous-systèmes des sous-systèmes et plus qui engendrent cette variabilité et conduisent à un résultat imprédictible dans l’état actuel de nos connaissances. Le déterminisme est une conception théorique qui suppose un cadre fini et une chaine de causalité des évènements. Trop d’évènements étouffent la causalité et sa mesure. On va raisonner sur des centaines puis des milliers puis des millions de données et de chaînes causales dans un temps donné. Le déterminisme à l’infini n’est plus déterministe. C’est une forme d’agitation où la course au temps devient plus importante que la relation d’ordre. En dehors de cette évanescence, la précision de la mesure mais également la cohérence de la mesure engendre une suite d’erreurs ne permettant pas d’aboutir à un résultat fiable.
Le hasard aléatoire ; Il est le résultat d’un ensemble d’évènements qui sont par nature générés de manière aléatoire sans causalité c’est-à-dire avec une équiprobabilité de survenir par essence. Dès que l’on introduit une équiprobabilité dans la chaîne, on réduit le déterminisme à une probabilité d’occurrence.
Dans de domaine de la physique, on peut ralentir l’agitation moléculaire par l’abaissement de température. C’est plus difficile dans le domaine biologique et encore plus dans le domaine social. L’occurrence d’une nouvelle combinaison dans le domaine du vivant est plus le résultat d’une erreur qu’un cycle de succession entre ordre et désordre. Mais alors d’où vient l’erreur ?
L’ordre et le désordre (des mots que je n’aime pas car ils sèment la confusion. C’est la faute à Carnot) sont des états systémiques avec des dynamiques évolutives. L’erreur est une perte de lien organisationnel qui ouvre le système à la transformation. Plus il y a désorganisation et plus les échanges entre sous-systèmes seront nombreux. Par exemple, la grippe entraîne une élévation de la température corporelle et déclenche une mise en jeu importante de sous-systèmes régulateurs de l’humain. Fin de la parenthèse.
L’hypothèse que le premier vivant unique provient d’une rencontre de brins d’ARN comme antérieur à l’ADN (Carl Richard Woese, 1967, Walter Gilbert, 1986), recueille actuellement la faveur de nombreux biologistes.
La seconde hypothèse serait que le vivant initial, une simple poussière contenant un micro-organisme par exemple, provient d’une autre planète de notre galaxie ou de l’espace dans lequel il circule en permanence depuis le big bang ou encore d’une autre galaxie par contamination d’aliens venus sur terre en catimini ou d’astéroïdes géocroiseurs. Cette piste n’est pas la première privilégiée par la science aujourd’hui. Mais souvent Science varie. Un astéroïde venu d’ailleurs n’est pas une piste à écarter mais les indices manquent. Attendons de mettre le pied sur une exoplanète compatible pour en savoir plus.
Du végétal à l’animal : l’origine marine du vivant
Considérées comme à l’origine de la vie par de nombreuses études, les formes de phyto et zoo plancton sont nombreuses dès l’origine de la vie. Les scientifiques peinent à trouver un axe de classification et à identifier une source commune. Si le lichen semble, en 2020, la source primaire de toute évolution, la chronologie du développement phyto vers zoo semble toutefois complexe à déterminer.
Par exemple, la flottabilité instable d’une structure végétale phyto qui se détache pourrait être une piste d’adaptation réactive au milieu. On peut imaginer une transformation phyto vers zoo allant vers plus de contrôle de la flottaison ou de protection avec la création d’excroissance cytoplasmique, de flagelle, de protection en silice ou autre, ou même d’un flotteur. Par ailleurs, si la reproduction par mitose est assez généralisée au niveau phyto, il existe également une reproduction sexuée qui peut amener une évolution.
Au niveau du groupement en chaine, l’aspect associatif comme mode de défense ou d’action est également montré à ce stade. On peut imaginer certains assemblages comme des préludes à des différenciations et au passage à un ordre supérieur de complexité.
L’apport d’énergie par la nutrition se différencie et engendre une organisation complexe (capture des éléments nutritifs, transformation de matière organique –fonction digestive avec absorption et transformation chimique, rejet des matières non absorbées qui nécessite une approche sensorielle évoluée). Cette évolution fondamentale marque une évolution dans le monde animal.
Mais pourquoi la vie est née dans un milieu marin plutôt qu’en eau douce sur terre ou dans l’atmosphère ?
Il est probable que la salinité n’explique pas tout. J’irai bien vers une piste gravitationnelle dans un milieu où la flottaison et les courants permettent la constitution d’un réacteur biochimique stable. Je suis pour cela guidé par l’adaptation au milieu, un principe central.
Un deuxième aspect à approfondir est le phénomène de métamorphose du stade zooplancton ou larvaire au stade adulte qui semble exister dès l’origine de la vie.
Il y a derrière un mécanisme qui ne peut pas être seulement réactif mais qui contient une programmation préalable et une activation potentielle. On passe d’une première organisation systémique à une autre très rapidement. Le temps de transformation est une variable importante car plus il est long, plus le système est vulnérable. Plus le temps est court, plus le système pourra fonctionner à nouveau, éventuellement dans un nouvel environnement. Le milieu marin offre plus de stabilité donc plus de temps à une évolution biologique primaire.
Il est facile d’imaginer un processus de croissance chrono-régulée soit linéaire soit semi linéaire (par sauts) avec des différenciations cellulaires qui accompagnent la division. Il est plus compliqué d’imaginer que tout processus de transformation s’inscrit dans un système holistique, où il existe un lien qui subsiste tant dans l’espace que dans le temps. Restons modeste dans notre imagination…
Ce que l’on s’accorde à dire, c’est qu’un « vivant postérieur » succède dans le temps (principe d’irréversibilité du temps) à un « vivant initial avec une progression multiplicatrice du nombre des espèces vivantes qualitativement et quantitativement. Toutefois, une espèce peut également disparaître (principe de non-réversibilité de la vie). Et aujourd’hui, nous sommes plutôt dans une situation où les espèces observables disparaissent plus vite qu’elles ne se créent. C’est le présent.
Aujourd’hui pour expliquer la création du vivant dans le passé, un des courants scientifiques penche plutôt vers des conditions spécifiques, un écosystème favorable à cette évolution (qui peut également exister à un moment donné ailleurs dans l’univers observable aujourd’hui). Cette hypothèse a du sens…
L’évolution du vivant suit l’écoulement du temps. On gardera comme hypothèse première que le temps de l’évolution est un temps irréversible. On écartera, faute d’éléments observables, un espace-temps relatif avec un champ de gravité déformable qui pourrait modifier ce schéma.
Parenthèse; Cependant, rien n’empêche de faire des hypothèses dans ce dernier cas à la fois pour les voyages futurs dans l’espace et pour les phénomènes moléculaires et intra atomiques. Cela relève pour le moment de la science-fiction et de calculs mathématiques. Ceux-ci reposent sur un corpus de règles érigées par les mathématiciens plutôt que sur la base d’observations expérimentales directes. L’outil mathématique auto-produit des hypothèses qui doivent respecter le corpus de règles qu’il a lui-même décrété. Le risque de s’enfermer dans une tautologie est élevé. Cette mise en chiffres rationnalise l’interprétation mais présente de nombreuses incertitudes probatoires quand celle-ci s’éloigne de l’observable. Fin de la parenthèse.
Cette approche du temps irréversible a une signification. Il existe une chaîne qui relie le procaryote du fond des âges à l’eucaryote qui existait il y deux milliards d’année, le trilobite d’avant hier à la souris d’hier et la souris d’hier à la souris d’aujourd’hui. On pense que le vivant provient d’un vivant d’avant-hier et ce dernier d’un vivant initial que l’on pourrait qualifier de vivant 0. Cela fait si longtemps qu’il reste si difficile à trouver que l’on désespère. Les derniers progrès technologiques vont permettre d’en savoir plus. Oui, « Jurassic Park » ne sera plus un divertissement fiction. La méthode expérimentale restera l’outil privilégié au 21ème siècle et la renaissance du Mammouth sera peut-être pour demain.
La genèse du vivant m’est toujours apparu intuitivement comme une orientation « soupiste ». Intuitivement, cela signifie que c’est l’ensemble de mon acquis personnel qui m’influence. Ce dernier est bien évidemment génétique mais surtout philosophique depuis le lycée.
Une orientation « soupiste » c’est admettre qu’un mélange chimique de composés organiques est à l’origine de la vie. Par la suite, le cheminement du vivant est une petite usine qui fabrique des chaines acides, ARN et ADN, et un métabolisme permettant la réplication ; Il y a une incertitude sur l’élément initial (ARN ou pas). Le mode de passage à un métabolisme complexe avec un système stable fait également encore l’objet d’hypothèses sur le processus (aléatoire ou systémique ou une combinaison). Mais l’étau se resserre.
Le cocktail de la naissance du vivant, c’est une combinaison d’organisation et de désorganisation, de chaos et de rencontres. Pour certains, ce sont des chaines d’ADN et d’ARN (des constituants de tout virus) qui se seraient introduits dans des gouttelettes d’eau protégés par une membrane. Cette encapsulation peut être envisagée comme un simple hasard circonstanciel ou bien comme résultant du second principe du vivant. Ainsi, la pulsion du Bernard-l’hermite à chercher son abri, une protection qu’il ne peut fabriquer lui-même pourrait être une pulsion primitive de l’encapsulation inclus dans ses propriétés physico chimiques primitives de l’ARN.
Cette combinaison gagnante se serait produite en raison d’une période favorable de l’évolution de la terre. Un environnement favorable à une capacité à la réplication de l’ADN et de l’ARN. La multiplication de ces cellules sans noyau puis avec noyau puis leur combinaison aurait conduit à LUCA (the last universal common ancestor) la première trace de fossile vivant, il y a plusieurs millions d’années.
Quoiqu’il en soit, l’étape expérimentale de création artificielle d’une cellule capable de se reproduire n’est pas encore totalement aboutie mais s’en rapproche. La création de la première cellule vivante dotée d’un génome synthétique par le biologiste américain Creg Vanter en 2020 se rapproche de cet objectif. Toutefois, si le génome est synthétique, il est transplanté dans une bactérie existante. On peut imaginer que la prochaine étape sera la création complète d’une cellule vivante de synthèse.
L’évolution du vivant est alors décrite comme débutant par une longue production de variabilité capable de produire des dizaines de millions d’individus différents. Cependant cette variabilité est trompeuse. Quand on choisit l’angle de la phylogénétique pour retracer l’évolution du vivant, la variabilité est représentée par un arbre qui débouche sur des groupements d’espèces ayant un ancêtre commun. Le nombre ne fait pas l’objet d’un consensus mais il se calcule en dizaines de milliers seulement.
La mutation génétique, est une source majeure de l’évolution. L’évolution du vivant vers la complexité ferme la porte à la désorganisation tout en rendant le système plus réceptif à une évolution brutale. Cela se traduit par la mutation génétique capable d’apporter une nouvelle fonctionnalité.
On considère que la réplication des bactéries sur une période courte (une journée) se calcule en milliards et que chaque mutation se probabilise de 1 mutation pour 1 million de réplications par division. C’est l’imperfection du processus qui permet la variabilité. Imperfection n’est pas le mot approprié. Il est préférable de dire que la stabilité parfaite du processus est un moment singulier de faible probabilité.
Par ailleurs, bon nombre de mutations n’ont pas d’effet qualitatif important. Il semble que ce soient des ensembles de mutations conjointes qui permettent un saut qualitatif du système.
Le passage d’une cellule sans noyau (bactérie) à une cellule avec noyau est une première forme d’encapsulation en série suivant le principe des poupées russes. Cette étape serait fondamentale pour l’évolution du vivant. Elle suppose un mécanisme complexe de cohabitation symbiotique ou de domestication.
Elle se concrétise dans l’idée d’une capacité de socle identitaire et de défense immunitaire. Pour être stable, le processus doit se définir par des caractéristiques particulières uniques et un système de réaction favorable ou défavorable lorsque la cellule est mise en contact avec une autre. Défense et attaque sont les deux visages de cette réaction. Ce processus existe probablement depuis la nuit des temps, c’est-à-dire depuis la première encapsulation.
La théorie cellulaire date de 1839 soit depuis moins de 200 ans. En 2015, l’idée d’encapsulation (concept plus large que l’encapsidation qui se limite au génome) m’ait apparu comme fondamentale. Simple amateur, en 2015, Je ne connaissais pas le mot encapsulation et donc j’avais à cette époque inventée mon propre vocabulaire en proposant (mes premières notes) une théorie de l’involution claustratique systémique.
Parenthèse : Des découvertes diffusées dans le grand public sont venues confirmer ou contredire mes premières idées. Et je suis loin de connaître les très nombreuses découvertes qui fleurissent dans les revues scientifiques. En poursuivant le jeu de ma pensée, je découvre des nouvelles avancées et je m’interroge sur le bien fondée de ma propre réflexion. Des milliers de cerveaux font ronronner leurs neurones et les technologies nouvelles font avancer les sciences. Cela dit, je suis étonné d’avoir envisagé quelques unes de ces découvertes et fait ce même parcours intellectuellement. Ce n’est peut-être pas un hasard car le processus de fermentation scientifique aboutit à des parcours similaires. La vulgarisation est de plus en plus étendue et rapide. Alors je vais continuer à me faire plaisir et me prendre pour un scientifique. Fin de la parenthèse.
Les scientifiques ne sont pas d'accord sur la façon dont les archées, les bactéries et les eucaryotes ont émergé. L’idée c’est qu’il y a un ancêtre commun, d'autres estiment que c'est la fusion des archées et des bactéries qui ont donné les eucaryotes il y a deux milliards d'années. Quoiqu’il en soit le consensus se forme autour d’une évolution progressive sur des millions d’années à partir d’un vivant initial. C’est là une vision positiviste que je partage.
Qu’est-ce que l’involution claustratique systémique ou encapsulation ?
Quelque soit le mode d’évolution du vivant, il semble y avoir des constantes universelles qui méritent une attention. La première est ce qui est appelé l’encapsulation.
Premier postulat : Deux milieux physico chimiques qui ne fusionnent pas ne peuvent co-exister sans qu’il y ait séparation par une (ou plusieurs) enveloppe protectrice permettant une régulation des échanges. Ce principe est universel. Cela est également valable pour de la matière morte mais de manière différente.
Pour ce qui est « du vivant », le phénomène est généralisé sur plusieurs niveaux organisationnels. Chaque cellule, chaque ensemble fonctionnel de cellule, chaque organe, chaque sous-ensemble systémique organique, chaque ensemble systémique global ou holistique répond à ce postulat.
Parenthèse : Classiquement, un organe est un groupe de tissus, un ensemble de cellules encapsulées ensemble, collaborant à une même fonction physiologique principale. Certains organes assurent simultanément ou alternativement plusieurs fonctions, Les organes participent à ce que l’on considère comme des niveaux supérieurs d’organisation, les systèmes et sous systèmes et les appareils (appareil digestif, locomoteur, respiratoire). La distinction entre système et appareil est confuse. On tente de définir l’appareil comme se rapportant à une activité principale (appareil locomoteur, appareil circulatoire, appareil digestif, …) Le système se définit plus par l’ensemble des organes qu’il mobilise. Ainsi le système nerveux participe à plusieurs appareils, tout comme le système musculaire. En revanche le système digestif et l’appareil digestif ne font qu’un. Fin de la parenthèse.
La poule précède l’œuf ou bien l’œuf précède la poule ? Dois-je répondre à cette question ?
Parenthèse : Gallus gallus, la poule est l’un des premiers animaux à être domestiqué. Celle-ci a lieu avec l’apparition du Sapiens. On peut supposer que son élevage s’est multiplié lors de la phase de sédentarisation, il y a moins de 10 000 ans. La poule a continué à accompagner l’homme dans sa phase d’urbanisation primitive. Elle fait aujourd’hui l’objet d’un élevage intensif qui dépasse vraisemblablement les 30 milliards de têtes. Fin de la parenthèse.
Qui vient en premier l’œuf ou la poule ? Cela peut se limiter à un débat philosophique. Pourquoi a-t-on besoin d’un débat philosophique ? C’est un autre débat fort intéressant qui pose la question de la croyance théologique ou philosophique comme une composante de l’évolution du vivant. Pour notre part, nous nous situons plutôt dans une attitude positiviste. Faut-il pour autant écarter la question ? …
Non, la question scientifique demeure. Les réponses scientifiques ne sont pas absentes.
L’œuf est une protection (une encapsulation) qui peut prendre diverses formes : œuf à coque dure, œuf mou avec membrane souple, poche visqueuse, ovule, larve, … Fécondé, l’œuf permettra la production d’un nouvel être vivant. La membrane protectrice est générée par les constituants en provenance de la mère mais le déclencheur de l’action est sans doute plus complexe. En ce sens, la poule précède l’œuf mais c’est un peu court. Dont acte…
Il faut remonter le temps très loin. Peut-on imaginer que la première forme de vie est une coquille protectrice ? – une simple bulle créée par des phénomènes naturels d’ordre physico chimique. - C’est encore un peu court.
Imaginons que l’ancêtre de la poule primitive (brins d’ARN), fort intelligente, ait simplement décidé d’entrer dans la bulle. Elle va s’approprier ensuite ce modèle de protection, puis trouvant l’idée à son goût, Elle va elle-même créer la bulle dans laquelle, elle a trouvé refuge. Cette évolution complexe est-elle plausible ?
Ou bien des brins d’ARN dans un milieu aqueux conduisent à une réaction de protection en produisant une enveloppe molle. Ce ne sont bien évidemment que quelques scénarios imaginés parmi de nombreux autres.
Le problème de la poule et de l’œuf devient donc celui du processus primitif d’expression. Ce processus conduit à une encapsulation protectrice physico chimique capable de produire et se reproduire. Ce processus finit par appartenir à l’ensemble systémique biologique et s’intègre dans le patrimoine héréditaire bien avant que la poule soit une poule.
Le postulat de l’encapsulation aboutit à ce que l’œuf précède la poule, même si c’est un poisson qui sort d’abord de l’œuf avant d’être un grand dinosaure et une petite poule.
Deuxième postulat : Quelque soit l’enveloppe protectrice, l’échange avec le milieu nécessite des ponts de vie qui s’ouvrent et se ferment en permanence sur l’environnement extérieur.
La nutrition, par exemple, nécessite l’ouverture d’un pont de vie. Les moyens pour atteindre cet objectif sont très nombreux et reposent sur des organes fonctionnels dont la variété dépasse l’imagination. Le pont de vie peut être passif ou mettre en jeu un protocole de liaison entre l’organe et l’environnement. Certains poissons se contentent d’ouvrir la bouche et d’attendre. L’araignée tisse une toile sans laquelle elle ne pourrait se nourrir. La souris à miel se nourrit du nectar des fleurs grâce à sa langue en forme de pinceau. Il existe des milliers de solution pour créer un pont de vie.
Le mécanisme qui impulse la solution systémique « fonction vers organe » ou « organe vers fonction » est complexe et encore mal connu. Quelque soit le processus d’organisation, de complexification et d’interactions des organes du vivant, il faut poser la question suivante. Comment le vivant s’adapte à un environnement évolutif ? On peut temporairement éluder la réponse et poser un troisième postulat.
Troisième postulat : Il n’existe pas d’Etat stable du complexe systémique mais une adaptation permanente à la dynamique de l’environnement.
Il n’y a pas d’écosystème en équilibre durable. Toutefois, il est logique d’admettre qu’il existe des périodes de régulation systémique qui permettent à un système de perdurer sur une longue période. Cela signifie qu’il y a un état instable capable de se réguler dans des limites conservatoires du système. Au-delà, c’est une rupture ou un saut. L’évolution se fait également par sauts en plus d’une évolution continue (à l’intérieur de l’écosystème temporaire). Si cela vous évoque peut-être les structures dissipatives de Prigogine et la théorie des catastrophes de Thom, c’est involontaire mais comme je l’ai dit, mon esprit a pu être influencé.
Rappelons que notre but n’est pas de faire une synthèse scientifique des observations accumulées ou un texte de vulgarisation mais de construire une réflexion théorique qui puisse expliquer l’évolution du vivant. C’est un passe temps.
Comment peut se faire l’adaptation à l’environnement ?
Le piano mécanique : Comme chaque piano, le génome a ses propres partitions. Son répertoire est immense mais limité et prédéterminé. Avec le temps, le vivant apprendra et trouvera dans le génome la bonne combinaison à retenir pour s’adapter au mieux à son environnement. C’est le génome programmé par une main invisible. Mais existe-t-elle vraiment ?
Le piano fou : Le génome possède un très grand nombre de partitions dans son répertoire, mais certaines de ses partitions vont s’activer par dérèglement (une probabilité très faible qui réunit les conditions d’un résultat contraire à l’ordre initial). Certaines combinaisons s’adapteront c’est-à-dire que le résultat modifiera le système mais ne le détruira pas. L’environnement change et le désordre va devenir croissant ; La destruction du système est proche ; Le système pourra t-il, par son instabilité naturelle, produire une combinaison vertueuse adaptée à un changement d’environnement. Non, ce système va mourir. Oui, C’est le processus de sélection naturelle par le hasard qui fait naître un autre système.
Le piano intelligent : capable de communiquer avec son environnement, il saura comment combiner ses partitions même s’il fait des erreurs et ne réussit pas du premier coup. Il apprend de l’environnement. C’est le processus d’échange systémique.
Ces trois approches peuvent être défendues et elles ne sont pas exclusives les unes des autres. L’adaptation dans des milieux différents peut se faire par un processus d’apprentissage comme cela a été démontré chez les primates. Les dernières avancées scientifiques mettent en avant qu’il existe également un processus de transformation systémique du génome. Cela nous conduit à formuler un quatrième postulat.
Quatrième postulat : l’évolution du vivant contient nécessairement un processus fonctionnel d’adaptation systémique dans l’univers de la biosphère observable (ce que l’humain a la capacité à percevoir de manière directe -par les sens- ou indirecte -par les outils-).
La mutation génétique systémique est-elle un phénomène parmi d’autres ?
Faisons l’hypothèse qu’un processus interne existe pour modifier la combinaison de gènes. Il y a alors un processus d’échange systémique qui n’est pas dû au hasard. Je penche pour cette hypothèse.
C’est une hypothèse, car le processus précis d’échange systémique qui modifierait la genèse du génome n’est pas bien connu en 2015. Attendons quelques années, et nous allons le découvrir.
Ce que l’on sait aujourd’hui c’est que le processus d’apprentissage d’une cellule existe et qu’elle a une capacité à mémoriser pour un temps ce processus. C’est également que l’échange existe également entre cellules d’un même ensemble global encapsulé comme l’humain, l’animal ou la plante vivante.
Actualisation 2020 : En 2015, il s’agissait d’une hypothèse probable ; En 2020, l’importance du changement adaptatif réversible ou non réversible, transmissible de manière héréditaire ou non, ne fait plus débat.
La diversité biologique est un long processus dont la route est tracée par la transformation accidentelle du génome et par le processus d’adaptation à l’environnement. Cependant, il semble bien que le temps de la diversité soit en conflit avec le temps de la régulation globale.
Dans un écosystème fermé, il y a homogénéisation et équilibre des espèces conduisant à une stabilité de la biodiversité. Faut-il y avoir un parallèle avec le deuxième principe de la thermodynamique ? Je ne crois pas car la domination d’une espèce semble pouvoir également amener à la disparition de l’écosystème lorsque ce dernier devient une bulle fermée. Il n’y a pas homogénéisation mais un désordre évolutif. Le principe est celui de la dynamique, l’exception est celui de la stabilité.
Cinquième postulat : l’évolution du vivant se produit par boucle évolutive : une transformation organisation -désorganisation – nouvelle organisation et ainsi de suite.
Les échanges entre le vivant, ses sous-parties et son environnement sont de nature diverse. Nombreuses sont celles de nature EPC électro physicochimique. On note également des échanges plus complexes d’ordre biologique comme la multiplication de cellules spécifiques.
Par exemple, Il semble aujourd’hui que des neurones du cerveau circulent au sein du corps humain. C’est un flux d’ensembles bio constitués. Les progrès nous font également découvrir de nouveaux organes, des ensembles constitués d’ordre supérieur, (Mésentère, glandes tubariennes) qui ont de riches liaisons avec d’autres organes.
Finaliste ou pas finaliste ?
Que penser de La relation fonctionnelle du vivant avec son milieu ? Elle passe par une finalité fonctionnelle de l’ensemble global encapsulé ce qui est le cas pour tous les ensembles et sous ensembles.
Parenthèse : Le débat d’ordre philosophique entre finalistes et mécanistes perdure depuis l’antiquité jusqu’au 21ème siècle (in La revue de théologie et de philosophie, 1931). Pour les finalistes, il y a une pensée qui dirige les choses et il est logique que la fonction crée l’organe, qu’il faille un estomac pour digérer ou des yeux pour voir. Pour les mécanistes, les mêmes causes produisent les mêmes effets. Ce déterminisme conduit rechercher les mécanismes qui expliquent le vivant. Ce matérialisme (par rapport à la pensée finaliste) prélude à l’approche scientifique moderne. Il nous semble « intelligent » d’éviter la querelle que l’on peut d’ailleurs contourner en acceptant un « déterminisme relatif » qui accepte l’indétermination et le hasard probabiliste. Il y a un lien entre l’organe et la fonction mais le sens de la liaison peut varier. Ainsi la fonction modifie l’organe et réciproquement. Il est également possible d’introduire un lien holistique plus général. Il est donc légitime d’aborder le sujet par plusieurs approches sans se préoccuper d’une base philosophique.
Esquivons le débat finalisme-mécanisme en nous penchant sur l’efficiencité des organes. Ce n’est pas nouveau, car Aristote dans ses discours sur la Métaphysique faisait de la cause efficiente une des quatre causes de toute chose, une force motrice. Fin de la parenthèse.
On fera également la supposition d’un facteur H (par référence à l’Holisme) qui relie l’ensemble des systèmes à travers un complexe holistique.
Un complexe holistique systémique c’est un ensemble de sous ensembles. Il se caractérise par un état de coordination temporel suffisamment court pour que l’ensemble des sous fonctions produites par les sous ensembles permettent globalement un pilotage. Bien que chacun des sous systèmes et chacun des organes participe à un degré divers à un l’échange avec l’environnement, ils participent tous à l’efficiencité de l’ensemble. Chaque organe possède une part de l’efficiencité globale, c’est-à-dire la mise en œuvre de processus avec laquelle il cherche à atteindre un but dédié.
Complexe, veut dire qu’il existe de nombreuses interrelations avec un système de règles et de séquences.
Holistique, veut dire que tout système nouveau intégré dans l’ensemble existant modifie le tout.
Systémique, veut dire qu’il y a une régulation endogène et un échange avec l’extérieur.
Cette idée est ancienne. Dans la médecine historique, en particulier asiatique, il y avait déjà une vision globale du corps humain avec un système complexe de régulation. Il existe encore aujourd’hui des écoles de médecine traditionnelle basées sur ces principes.
Curieusement, les recherches scientifiques peinent encore à s’intéresser à ce sujet. Il y a là un tabou qui semble provenir de la querelle ancienne entre finalistes et mécanistes. Cette querelle prend une forme plus moderne avec le courant téléonomiste.
Mettre en avant la finalité fonctionnelle comme processus dans une perspective téléonomiste, c’est doter un organe d’une efficience à atteindre et des moyens d’y parvenir pour que l’ensemble du système fonctionne.
La religion chrétienne a longtemps voulu expliquer l’homme et ses fonctions biologiques par une volonté de Dieu. Est-ce bien raisonnable ?
Je ne vois pas l’obligation de passer par Dieu pour calmer mon angoisse existentielle. Je préfère comprendre le monde dans lequel je vis et dépasser les frustrations de la difficulté à proposer un univers en cohérence avec mes capacités neuronales.
Le développement et le rôle des organes fonctionnels.
Chaque sous-ensemble du vivant participe à l’ensemble par le biais des organes.
Les organes sont nombreux à l’intérieur de l’être vivant. Quoi qu’il en soit, l’évolution du vivant est liée à celle des efficiencités que vont permettre les organes.
Une revue des efficiencités contribue à comprendre la formation d’un système vivant. Cette revue n ‘est peut-être pas complète mais c’est un début de catégorisation en 7 objectifs essentiels.
1 Permettre l’apport d’énergie pour le fonctionnement du métabolisme interne, par le système de nutrition et les sous systèmes d’accompagnement (système digestif, système excréteur) ; Par la photosynthèse qui est un autre système de transformation énergétique ; Par le système d’oxygénation et les systèmes d’accompagnement (système circulatoire, système respiratoire).
2 Maîtriser la perception de son environnement externe et interne. L’exploration peut être statique ou dynamique. Elle utilise un système sensoriel étendu (au minimum les 5 sens).
3 Assurer la défense et la protection du vivant, en dehors du système d’alerte sensoriel. (Système neurologique, système lymphatique, système immunitaire et identitaire, systèmes d’encapsulation (carapace), …). Cela peut prendre une forme directe comme la simple épine de rose au camouflage avec un changement de couleur de la peau, mais également une forme indirecte comme l’arme nucléaire.
4 Permettre la mobilité complète du corps ou seulement d’une partie des organes. (Locomotion, nage, vol, …). Elle peut être indirecte comme la pollinisation par les insectes dans le cas des plantes.
5 Permettre la perpétuation du vivant -l’ensemble des systèmes de reproduction et leurs appendices (pour attirer une femelle ou un mâle par exemple). Elle est peut-être sexuée ou non ou prendre des formes plus subtiles.
6 Assurer une régulation systémique avec son environnement externe et interne. Le vivant a besoin de gérer de nombreux équilibres qu’il va pouvoir assurer par des systèmes mettant en jeu de nombreux organes spécialisés (glandes endocrines, organes spécialisés comme le foie, le pancréas, le thymus, …).
7 Etablir une communication entre vivants. (Système de langage, système de marquage, …) et assurer le traitement de l’information. Cette fonction débouche sur l’apprentissage. Cela permet au vivant de devenir autonome de s’adapter à son environnement physique et communautaire.
Ce dernier paragraphe est une présentation séquentielle sans ordre mais il serait plus réaliste de faire une présentation géométrique (voire topologique) où toutes ces fonctions seraient en interaction.
Pour créer l’outil qui permet ces efficiencités, l’ensemble global encapsulé possède une boîte à outils extrêmement vaste. L’outil n’est pas prédéterminé dans le détail. C’est plutôt un jeu de d’expressions gagnantes avec des solutions qui fonctionnent.
Sixième postulat : le vivant adapte son organisme en spécialisant ses ressources pour lui permettre l’exercice durable de 7 fonctions essentielles.
Les « efficiencités » mises en œuvre par les organes permettent d’atteindre un ou plusieurs buts.
Si l’on pense avoir identifié 80 organes chez l’homme, il est évident qu’il faut rechercher des sous-fonctions au-delà des fonctions premières et des sous systèmes organiques. Par ailleurs, outre l’interconnexion entre organes et systèmes, un même organe participe à plusieurs fonctions (la langue, par exemple dont l’usage est multiple). En considérant que la quasi-totalité des systèmes sont interconnectés, on imagine la complexité du vivant. Pour certains cette complexité croissante ne peut être que la source d’une fragilité croissante mais l’argument reste plus intuitif que scientifique.
Les organes ayant des fonctions extérieures sont principalement ceux qui sont liés à la perception de l’environnement. L’œil, la bouche, le nez, les oreilles, les poils et la peau. D’autres ont des utilités mixtes intérieur vers extérieur et réciproquement comme le vagin, l’anus, les ports de la peau, les glandes sébacées, etc… (voir les trois premiers postulats).
Les exemples d’adaptation au milieu ne manquent pas. Elles concernent dans leur quasi-totalité les 7 fonctions premières décrites ci-dessus. Elles expliquent la diversité biologique.
La diversité biologique est associée à l’exploitation opportuniste de niches biologiques produisant un écosystème capable de faire cohabiter des vivants pendant une longue période. La fonction holistique peut jouer un rôle dans cette exploitation.
Les organes sensoriels occupent une place importante dans la boîte à outils car ils sont en première ligne du rapport à l’environnement. Et le rapport à l’environnement est la porte d’entrée de l’adaptation systémique.
A chacun des 5 sens correspond dans la majorité des cas un organe-fonction principal : l’œil pour la vue (perception des ondes lumineuses), le nez pour l’odorat (perception des molécules en suspension dans le milieu), l’oreille pour le son (perception du son et des vibrations), les doigts pour le toucher (perception de la pression), la bouche et la langue pour le goût. (Perception des molécules d’un corps extérieur).
Pour voir, il faut au moins un œil.
C’est vrai pour l’espèce humaine. C’est ainsi que l’on désigne le processus qui nous conduit à donner du sens aux milliers de photons qui frappent notre rétine. Et certains ont parcourus durant des milliers d’année des millions de kilomètres.
C’est un organe-fonction dont on connaît de mieux en mieux l’ensemble de ces appendices. C’est-à-dire les sous organes qui contribuent à fonctionnaliser l’ensemble du système.
Sa formation est très précoce dans la période de différenciation cellulaire. Pourquoi ? Il est possible que le spermatozoïde ait une forme non exprimée dans le contenu de sa tête mais il ne se sert pas de ce potentiel de vision pour trouver l’ovule. Il utilise en effet un capteur chimique pour savoir s’il y a de la progestérone à proximité et accélérer sa course par simple excitation flagellaire. On aurait pu également imaginer un processus physique avec une production d’ondes par l’ovule.
L’œil est fortement lié au cerveau dès le stade pré-embryonnaire. Si vous observez des jeunes œufs de calamars ou de seiches sur une plage (ils se déposent par milliers à certaines périodes), vous serez surpris de voir simplement deux petites points noirs minuscules qui se déplacent avec une lentille gélatineuse transparente.
L’œil est un organe essentiel pour l’homme et pour de nombreux animaux dès qu’il y a des photons qui circulent. Est-ce pour autant qu’on doit affirmer que l’homo Sapiens sans la vision n’aurait pas existé ? ou plus précisément est-ce que la « conscience » nécessite la vision ? Je n’ai pas la réponse mais l’idée d’une « intelligence humaine » sans vision ne peut conduire à la même forme d’intelligence. Par ailleurs la relation entre conscience et intelligence humaine sont des phénomènes que les scientifiques peinent encore à définir de manière consensuelle.
Les yeux sont une réponse à la formation d’une réponse systémique réactive aux photons. Qu’il existe une large palette génétique programmable ou non, C’est le milieu environnant qui semble le déclencheur actif d’un système visionnaire spécifique à l’espèce. S’il n’y a pas de photons, il n’y a pas d’œil. Voilà une affirmation qui mérite d’être précisé. Il existe quelques formes animales sans yeux même là où l’on trouve des photons. L’exception est souvent une imperfection dans le processus de la connaissance. Par ailleurs, le vivant reçoit beaucoup d’autres rayonnements. Il y a encore des mécanismes à découvrir pour savoir s’il existe une perception de ces autres rayonnements.
Autre exemple de mécanisme que l’on peut construire sur là-bas d’une encapsulation réactive à l’environnement. Une évolution du vivant dans un milieu salé comme la mer et l’arrivée de la lumière sur cet organisme peut créer cette réaction : processus de différenciation d’une cellule situé sur une membrane extérieure. Elle se spécialise en cellule photoréceptrice sensible à la lumière (le photon). Cette réaction conduit à la création d’une bulle défensive (voire une double bulle ou double lentille) comprenant une enveloppe de protection (et remplie d’un liquide). L’amélioration viendra ensuite avec l’adaptation au milieu et de nombreuses réactions systémiques.
On peut faire l’hypothèse que tout être vivant possède à l’origine un organe cellulaire à capacité sensorielle indifférencié et une structure réactive potentielle avec une large palette pré existante de réponses (les millions de combinaisons biochimiques). Elle va participer à un échange systémique qui va lui permettre de perfectionner cet échange et aboutir à un message transmissible au système central et /ou local suivant la nature du vivant. Le processus de différenciation cellulaire va se produire.
Pour le moment, l’existence de cet organe cellulaire primaire sensoriel universel paraît plausible. Expliquer la formation de la relation entre le milieu et la palette de solutions est dans la même orientation conceptuelle.
Cela ne contredit pas le principe que l’œil est un morceau d’ADN passif du patrimoine héréditaire capable d’exprimer basiquement une simple cellule photosensible. Si tel n’était pas le cas, quel serait le facteur extérieur en dehors du photon qui pourrait déclencher la formation de l’œil.
Faut-il introduire la mutation aléatoire comme source du processus adaptatif accompagné d’un processus de sélection naturelle ? Posons la question autrement. Est-ce que la sélection naturelle participe seulement à l’amélioration de la fonction mais pas à sa création ?
On remarque que la capacité multifonctionnelle de l’œil humain est parfois moins riche et moins performante que celle de certains animaux mais il a une vertu unique c’est son statut de contributeur à la compréhension de son environnement.
L’homme a besoin de voir pour comprendre ce qui lui est inaccessible. La grande majorité de l’événement scientifique se traduit par une vision directe ou indirecte. Il peut s’agir d’une graduation sur une balance, d’une coloration de bactérie sur une lame de microscope, une trace d’un choc de microparticule dans un collisionneur, la trace colorée d’un liquide après une chromatographie. La formulation mathématique elle-même ne vaut que comme outil de représentation. Elle peut renvoyer à un processus de perception sensorielle pouvant faire l’objet d’une modélisation numérique Dans ce cas, c’est le langage qui se substitue à l’image. Ainsi, un nuage peut être représenté par un ensemble de représentations physiques chimiques et mathématiques. Toutefois, l’œil peut instantanément permettre à un groupe d’enfants de dire « ce nuage se déplace vite » alors qu’une formulation abstraite de ce que l’on appelle nuage est d’une difficulté telle que personne n’ose remplacer le dessin du nuage par une expression mathématique.
Voir c’est au minimum être frappé par une onde de minuscules particules mais on découvre rapidement que voir c’est beaucoup plus. C’est un ensemble de fonctions qui peuvent se développer.
-Captation de signaux (comme les ondes lumineuses - couleurs) et transformation du signal (conduction électrochimique)
-Ajustement du système de réception optimisation du champ et de la distance (acuité visuelle, régulation de l’intensité, détection du mouvement, …)
- Transmission aux aires cérébrales (décryptage, …), à un organe de traitement (effet caméléon,)
-Protection et nettoyage de l’organe (cils paupière et larmes)
-Mobilité directionnelle (musculaire, oculaire, …)
Il y a probablement d’autres appendices fonctionnels qui seront découverts. Par ailleurs, la relation avec l’environnement s’est développée et a évolué sans pour autant maximiser chaque sous fonction. Ainsi l’acuité visuelle est plus grande chez certains animaux. Pourquoi ?
On constate également que l’être vivant peut perdre avec l’évolution des organes qui deviennent des reliquats. Ainsi le coccyx serait un reliquat de queue. Les yeux également peuvent disparaître (probablement à l’état de reliquat) chez certains animaux qui n’en ont pas besoin. Il y a beaucoup d’autres exemples. Ce phénomène conforte la voie de l’échange systémique au cours de l’évolution du vivant
Dans l’étude de création d’organes fonctions, on doit s’interroger sur la séquence d’apparition des organes et de leurs appendices. L’organogénèse nous offre un très riche ensemble d’informations mais ne nous donne pas encore de clé pour établir un schéma accessible à l’intelligence humaine. Par exemple, pourquoi le sens du toucher apparaît en premier ? Ou est-ce que le fait que le toucher apparaisse en premier donne plus de chances de survie à notre espèce ? La fonction de protection liée à la perception de l’environnement serait alors un mécanisme primaire indispensable à la survie et celle-ci serait d’abord une affaire de peau. Curieusement, c’est le cas du Lombric dont le système nerveux est notamment directement sensible à la lumière.
Parenthèse. Les découvertes scientifiques s’accélèrent. Les théories de l’évolution du vivant d’Aristote, Darwin, Lamarck et les autres feront le bonheur des historiens. Les courants actuels se situent moins dans des controverses théologiques ou philosophiques mais plus dans une logique positiviste. J’adhère… Fin de la parenthèse.
Pour avoir de l’énergie, il faut se nourrir.
C’est vrai pour le monde animal. Qu’est-ce qui se forme en premier la bouche ou l’estomac (ou le gésier) ? Poser la question sous cette forme n’a peut-être pas beaucoup de sens si l’on considère que le système d’alimentation animal est un ensemble de sous fonctions diverses et variées. Ce qui semble plus correct, c’est de dire que l’appendice branché sur l’extérieur est essentiel et peut prendre la forme d’une bouche. C’est le cas pour l’espèce humaine.
Si la bouche est un appendice spécialisé qui est en relation avec le milieu extérieur, l’estomac est l’organe par lequel transite tout type de nutriment. D’autres appendices spécialisés vont aider cet organe à remplir son rôle de transformation de nutriments.
Comme pour l’œil, les solutions sont nombreuses pour assurer l’apport d’énergie. Chez le bivalve, la fonction digestive est très achevée (absorption- traitement- rejet) mais la bouche n’existe comme bouche que lorsqu’elle s’ouvre. Chez l’ornithorynque, un mammifère, l’estomac a disparu et sa digestion est glandulaire.
Par la suite, la sélection naturelle et l’ajustement génétique systémique vont permettre une adaptation organique à l’environnement. Le besoin énergétique engendre des solutions très variées mais en fait très peu nombreuses si l’on considère celles qui ont émergées de manière dominante.
La moule semble être d’une grande ancienneté dans le monde – on constate que son appareil digestif est évolué et on peut imaginer que la bouche est un bivalve raté qui a vu son système de digestion se former en dehors de la bouche qui dans certains cas était aussi fonctionnellement l’entrée d’air – On peut imaginer de multiples combinaisons de recherche d’apport énergétique avec ou sans mobilité, avec appendices actifs ou passifs, …
Bref on peut tout imaginer et on a encore beaucoup de travail à faire pour remonter au système primaire. Ce que l’on sait, c’est que la croissance organique admet de nombreuses solutions topologiques et physico chimiques en réaction au milieu.
Reste la question de la manière dont un système simple peut s’enrichir pour devenir complexe ou bien possède-t-il déjà l’ensemble du possible et il n’y a plus qu’à appuyer sur le bon bouton (essai -erreurs de manière aléatoire ou intelligence systémique) pour cheminer vers plus d’adaptation.
L’apport d’énergie peut se faire autrement que par le nutriment. Les photons permettent la photosynthèse dans le monde végétal et celui des cyanobactéries. Cette conversion produit du glucose, un support énergétique qui participe au fonctionnement de la plante.
Cette identification en 7 fonctions essentielles est très insuffisante. D’une part, il existe probablement d’autres fonctions sensorielles que l’on identifie mal. Par exemple, La perception des ondes électromagnétiques, la perception gravitationnelle, la perception des rayons diverses (comme les ultra violets), la perception électrochimique, l’électrolocalisation. D’autre part, il existe des organes actifs tout aussi importants pour les échanges avec le milieu. L’envoi d’ultrasons par les chauves-souris en est un simple exemple. A cela ajoutons que les organes communiquent entre eux dans une interaction complexe que l’on commence à découvrir.
Ajoutons que l’échange c’est aussi prendre en compte le rejet systémique dans le milieu extérieur. Les fonctions de rejet sont multiples par l’émission de gaz, de matière et de liquide. Les voies de rejet sont tout aussi multiples qu’il s’agisse de l’intestin, des poumons, de la peau et bien d’autres, …. Cela signifie bien qu’il ne peut y avoir d’écosystème stable et figé par nature mais que ce sont les relations entre sous systèmes qui procurent un équilibre acceptable.
La relation milieu externe – réponse interne va résulter d’une adaptation organique. La prolifération des combinaisons génétiques et la sélection naturelle vont jouer un rôle important. Il est raisonnable de penser que le système de perpétuation de l’espèce est à l’écoute de l’adaptation à l’environnement.
Une question cependant demeure : Prenons l’hypothèse du jeu de combinaisons et l’intervention d’un principe de désorganisation dû à l’environnement ; alors la porte est ouverte et il se produit des nouvelles combinaisons. Il devrait donc être possible d’observer de très nombreuses solutions de transformations organiques du vivant chez toutes les espèces.
Bien qu’il y ait des millions d’espèces d’insectes, des milliers de solutions établissant une perception visuelle, il semble qu’il n’y ait pas de création « monstrueuse ». Par monstrueuse, il faut entendre la création soudaine d’un être vivant qui posséderait un ensemble de pouvoirs qui le ferait bondir comme vivant avec un pouvoir de domination absolue. Cela se produit dans les films (Gordon Douglas, 1954, A horror horde of crawl- and-crush giants) mais pas dans la réalité. Pourquoi n’y a-t-il pas de chimère de ce genre ?
Tout semble se situer dans le cadre d’une évolution à partir d’une source primaire qui régule cette évolution créative d’une certaine manière. Même l’humain qui possède des capacités exceptionnelles de domination de la nature peine à vaincre le virion qui resurgit régulièrement. Notre réflexion sur ce sujet n’est pas encore aboutie mais évoque l’idée d’un encadrement avec des limites.
Septième postulat : Le hasard créatif n’est pas sans limites Il s’inscrit dans un cadre holistique régulateur.
Parenthèse : Il ne faut pas abuser de l’holisme. Répétons-le, c’est une dénomination qui concerne les différentes propriétés actives qui se produisent seulement dans un contexte spécifique d’éléments réunis ensemble. Fin de la parenthèse.
Dans le processus de sélection naturelle, même s’il faut du temps, la mutation semble apporter une solution qui progresse de sorte qu’une solution plus efficace chasse la solution moins efficace. C’est comme une course qui n’en finit pas avec un temps de retard.
Toutefois, le sixième postulat n’interdit pas l’existence d’une transformation de l’information héréditaire relevant d’un processus d’origine systémique.
La variabilité de l’expression génétique ne provient pas seulement d’un phénomène aléatoire mais d’une modification du patrimoine héréditaire par un lien systémique actif entre le milieu extérieur et la production génomique.
L’idée d’une adaptation systémique est de moins en moins une hypothèse qui sous tend un processus indépendant dont la complexité est certaine. En effet, les lois de survie d’un système vivant dans un milieu extrêmement agité et évolutif commencent seulement à livrer leur secret.
Actuellement aucun élément ne permet de confirmer expérimentalement la piste de l’adaptation génétique systémique. On constate bien des relations de causalité et on vérifie que l’expression génétique peut être modifié ainsi que le patrimoine héréditaire. Un facteur environnemental peut agir sur le patrimoine héréditaire mais il ne s’agit pas nécessairement d’une adaptation.
Quel mécanisme serait susceptible d’aboutir à une transformation guidée pour corriger la relation vivant environnement à son bénéfice. On ne connaît pas encore ce mécanisme de capture et d’interprétation de l’information ainsi que le mode de communication biochimique.
Une autre hypothèse actuelle est que le génome contient l’ensemble de tous les potentiels adaptatifs et que le processus d’expression n’est qu’un processus sélectif parmi d’autres. Dans ce cadre déterministe, le potentiel d’expression est fini et programmable à défaut d’être programmé. Il suffit d’identifier le déclencheur.
Actualisation 2020 : Les connaissances évoluent si vite que ce j’ai écrit en 2015 n’est plus tout à fait d’actualité. Une mise à jour serait nécessaire mais le but de ce blog est de progresser sans effacer les écrits antérieurs afin d’améliorer le raisonnement.
Ce qui me semble se confirmer c’est un processus à étages du processus adaptatif systémique. L’assimilation génétique en est l’aboutissement. Le processus conduisant à cette assimilation semble concerner plusieurs étages dont la plasticité phénotypique est l’étage le plus immédiat et observable. L’étage épigénétique pourrait être un étage intermédiaire moins flexible. Au final, l’expression génique (ou génétique) sans modification de la chaine des nucléotides serait susceptible d’intervenir auprès d’une classe spécifique de gènes. Quant à l’étage premier de la mutation génétique du patrimoine héréditaire central (c’est-à-dire stable dans sa transmission), elle ne serait que le résultat d’une mutation quasi exceptionnelle.
Cette conception à plusieurs étages du vivant fait également intervenir la relation entre temps et diversité. La vitesse du changement environnemental conditionne l’étage qui peut être sollicité pour que cette adaptation se réalise. Le mécanisme d’assimilation et d’encodage génétique serait plutôt un mécanisme de sauvegarde qui pérennise une solution adaptative qui fonctionne.
Cette conception pose plusieurs questions :
Est-ce que l’état de l’environnement et la vitesse de son changement affecte chaque vivant de la même manière ? L’impact se fait-il en fonction de la structure qualitative des étages ? c’est-à-dire robustesse de la transmission héréditaire versus malléabilité, amplitude de la diversité génétique versus étroitesse de la diversité, vitesse d’intégration verticale d’un étage supérieur (directement sensible à l’environnement) à un étage inférieur (identité génétique primaire).
Est-ce qu’il y un processus réversible et désadaptatif ou bien le processus adaptatif est-il globalement entropique ?
Cette question est liée à ce que l’on considère comme un « coût ». La notion de coût implique par exemple une adaptation qui demande plus d’apport d’énergie, moins de fécondité, perte partielle d’une fonction sensorielle …
Un processus adaptatif peut effectivement aboutir à mettre en jeu l’équilibre global de manière défavorable, à accroître la capacité d’une autre espèce à dominer.
Huitième postulat : la résilience d’une espèce vivante dépend d’un rapport entre la vitesse de modification de l’écosystème de l’espèce et l’indice de plasticité composite des étages génoactifs (étage génétique, épigénétique phénotypique).
On peut imaginer que chaque vivant trouve au fil du temps une ou plusieurs voies pour créer un système d’un niveau plus adapté à son environnement que l’on appellera « niveau supérieur », plus complexe, plus organisé, englobant le système inférieur de moindre niveau. Chaque niveau supérieur de complexité succède au niveau inférieur. Ce processus n’est pas la garantie que cette évolution conduise individuellement à une plus grande adaptation à l’environnement. Par contre, Il est plus probable qu’il y ait une adaptation collective plus performante par le jeu de la sélection naturelle.
La complexité organique favorise t-elle l’adaptation ou l’inverse ?
Le vivant s’est développé par une capacité plus ou moins rapide à faire progresser les efficiencités de ses organes. On n’a pas encore déterminé la genèse de ceux-ci (l’œil fait exception) depuis l’apparition du vivant. Certains organes ou parties d’organes semblent être des vestiges qui ont accompagnés le développement de l’espèce humaine. En revanche, on ignore si le foie, comme beaucoup d’autres organes, a évolué au cours des âges. Mais s’intéresser seulement à l’organe est insuffisant. D’une par pace que l’organe fait partie d’un ou plusieurs systèmes et que lorsque plusieurs systèmes se retrouvent pour remplir une fonction, on parle d’appareil, l’appareil respiratoire, l’appareil locomoteur, l’appareil digestif par exemple.
Par ailleurs, le rôle de la différenciation cellulaire et de la capacité d’un organe à « appeler » la cellule souche à se convertir à son service commence seulement (les cellules pluripotentes en 2006) à être exploré. Tous les jours des liens systémiques entre organes qui sont découverts ou précisés. Ce sont des liens propres à l’espèce d’appartenance.
Chaque vivant développe un type holistique spécifique ayant une empreinte systémique. La recherche se penche de plus en plus sur la description du profil systémique biologique de l’espèce. La classification phylogénétique et l’identification des taxons va dans ce sens. Cette connaissance est encore insuffisante. Elle est importante car elle joue probablement un rôle semblable au mécanisme d’acceptation ou de rejet d’une greffe.
Parenthèse : la médecine d’aujourd’hui semble commencer à intégrer une approche différente et rechercher une personnalisation systémique des équilibres plus individualisé. Bien que chaque Sapiens développe une typicité biologique, les normes des analyses de laboratoire indiquent une normalité basée sur une fourchette statistique et si possible en fonction de critères tel que l’âge, le sexe, etc. Le pronostic, lui, tient compte du diagnostic eu égard à d’autres critères en fonction du passé de l’individu. C’est le cas pour le cholestérol dans le sang, l’adénome prostatique, l’accumulation tabagique et l’asthme, etc… L’intérêt de la typicité biologique sera de pouvoir intégrer le profil génétique et épigénétique plus complètement dans le système de traitement médical et non pas de se contenter d’une liaison héréditaire supposée d’un mauvais gène. Fin de la parenthèse.
Il y a donc une complexité organique et systémique qui semble beaucoup plus riche qu’on ne le croyait. Cette complexité est-elle plus favorable à l’adaptation du vivant à son environnement ?
Parmi les hypothèses, il y en a une qui met en avant la disparition ou le blocage de l’expression de certains gènes chez le Sapiens pour expliquer son évolution et en particulier celle de son cerveau. Cela aurait permis un développement inattendu de potentialités nouvelles cognitives et mémorielles.
Cette évolution est spécifique à l’Homo Sapiens mais plus largement qu’en est-il de l’évolution du patrimoine héréditaire du vivant ?
Quand les poules auront-elles des dents ? Une réponse plus difficile qu’il n’y paraît.
On est tenté de répondre « jamais » car en cas de perte du gène primitif, la perte est irréversible. Mais est-ce bien le cas ?
Si l’on accepte la théorie évolutionniste, la perte d’un gène est le résultat d’un processus de grande envergure et qui peut s’étaler sur une longue période. Soit il y a une perte complète (délétion du gène et de ses allèles) et pour retrouver des dents, il faudrait procéder à un croisement entre espèces compatibles dont l’une aurait conservé ses dents. Ou bien, le gène est devenu inactivable parce que le mécanisme d’activation ne joue plus son rôle et dans ce cas, cela devrait être possible… un jour lointain …. Car cela fait déjà 80 millions d’années qu’elle attend.
Heureusement, la poule a trouvé une autre solution en mangeant des dents, ces petits graviers qui se trouvent dans le gésier.
La vraie question serait plutôt : Pourquoi les poules n’ont pas de dents alors qu’elles semblent en avoir besoin ? C’est bien pratique pour écraser le grain de maïs. Alors, est-ce parce qu’elles ont plus besoin d’un bec sans dents que de dents ? La réponse n’est pas satisfaisante car elles pourraient avoir un bec et des dents.
Faut-il chercher une raison évolutionniste pour expliquer l’absence de dents ? La perte d’un gène fait également partie de l’adaptation positive. Il faut alors chercher les fondements d’un tel processus d’adaptation s’il n’est pas purement aléatoire. Non, il n’y a pas encore de consensus sur la réponse.
Comment se modifie le patrimoine héréditaire en réaction systémique d’adaptation à l’environnement ?
L’idée qui vient en premier dans cette période scientifique est celle d’une forme spécifique d’ARN messager qui fonctionne de l’organe vers le patrimoine héréditaire. On sait que la formation des ovocytes primaires se fait très tôt dans la vie de la femme. On peut donc supposer que le processus de messagerie inversée se produise sur plusieurs générations par une accumulation mémorielle, un genre de cicatrice (une trace mémorielle dans l’organe) qui se forme et qui finit par migrer et s’intégrer comme processus actif dans les cellules germinales. Ce processus est-il irréversible ou va-t-il durer pendant plusieurs générations Il existe probablement d’autres possibilités. Trouver le chemin qui démontrerait une de cette possibilité n’est pas hors de portée.
Plus simplement l’environnement provoque un marquage épigénétique qui peut se transmettre ou non, persister ou disparaître.
L’expression génétique et épigénétique
est un immense bazar. Les dents, les yeux, les écailles, les exosquelettes, les carapaces, les ongles rétractiles et autres babioles procèdent d’un même ensemble de base génétique qui sera exprimé différemment – toutes les finalités étant dans tous les chromosomes - Cette expression génétique va suivre un calendrier biologique sous l’influence de l’environnement de proximité et humain mais aussi cosmique. Ce bazar laisse soupçonner qu’une descendance identique est un leurre.
Neuvième postulat : il n’est pas possible pour un être vivant de se reproduire et encore moins de se développer totalement à l’identique.
Avec un même matériel génétique, il y a des différences entre vrais jumeaux (monozygotes). Les empreintes digitales par exemple. D’autres indices montrent qu’un clonage n’est pas identique à 100%. Pourquoi ne pas en conclure que la variabilité se joue en une infime fraction de l’espace et du temps ? Cela signifierait que la différence est la règle universelle.
Sans adaptation systémique, il existe une variation importante de l’expression génétique et des mutations génétiques et épigénétiques qui sont d’ordre aléatoire. L’être vivant qui succède au précédent (dans un temps linéaire) est donc différent. Avec de la chance, il s’adapte mieux au milieu dans lequel il vit, ou il trouve le milieu dans lequel il peut vivre. Avec de la malchance, il va disparaître.
Dans cette version, le déterminisme n’existe pas. La transformation systémique et la sélection naturelle expliquent conjointement l’évolution du vivant. Seul point de discussion. La variabilité du vivant est-elle suffisamment rapide pour permettre cette sélection. Cela suppose que l’environnement évolue moins vite que le système de variation génétique.
Quand les poules auront-elles à nouveau des dents ?
La perte des dents des poules primitives semble irréversible et un retour des dents est considéré comme impossible. Cela fait 70 millions d’années que les oiseaux ont perdu leurs dents. Cela fait long ; et cela pose le principe d’une irréversibilité temporelle de l’espèce, une crémaillère qui n’avance que dans un sens que les astrophysiciens appellent « la flèche du temps ».
Un raisonnement logique voudrait simplement que le patrimoine héréditaire ait perdu un chainon complet (ou son traducteur) soit par suite d’un hasard aléatoire, soit par un hasard systémique. Si l’on retient le hasard systémique, les poules auraient donc perdu leurs dents dans une catastrophe génétique qui a touché l’ensemble de l’espèce mais elles ont pu survivre.
Le mot catastrophe indique que la cause est collective et soudaine. Il faudrait envoyer un légiste dans le passé pour en déterminer la cause. Cela pourrait être une cause extérieure (micro organique, climatique, cosmique).
L’hypothèse du hasard génétique est elle incompatible avec une vision déterministe ? Non pas nécessairement. On peut imaginer que le processus biologique cherche d’abord des solutions concrètes instantanées adaptatives de survie et ne cherche pas à projeter ses solutions dans le futur. Ce n’est qu’ensuite lorsque le système est stabilisé (le temps joue un rôle d’amortisseur) qu’elle peut engendrer un mécanisme de changement à la marge. Ainsi un fœtus qui a un seul rein ou trois reins n’enfantera pas plus tard un descendant à un ou trois reins. Stabilisé, signifie que le système accepte un certain niveau d’imperfection pour survivre sans enclencher un processus de transformation.
Dixième postulat : l’adaptation génétique à l’environnement qui s’intègre dans le patrimoine génétique héréditaire est un processus marginal.
Il peut donc exister une programmation génétique pré déterminée qui va évoluer à la marge au gré des circonstances contextuelles. Cela signifie qu’il existe à la fois des catégories de boutons activables et un patrimoine dormant, des boutons qui ne sont pas nécessairement activés et des programmations souches plus fondamentales.
Le principe d’asymétrie spatio-temporelle est elle la source d’un mouvement sans retour ?
L’asymétrie temporelle est un concept millénaire. Ainsi, le Yin et le Yang reposent sur la dualité des choses de la nature et du cosmos dans la philosophie chinoise. Complémentaires et opposées, l’une étant partiellement dans l’autre et réciproquement. Elles ne peuvent pas s’équilibrer durablement et induisent une dynamique que l’on ne peut arrêter. Si l’on introduit la temporalité, on peut représenter ainsi un système en perpétuelle évolution qui se transforme. Tout système est soumis à une dynamique asymétrique de recherche d’équilibre qui conduit, in fine, à une entropie délétère lorsque la dynamique s’arrête. Le mouvement, c’est la vie. L’homme est donc mortel car ce déséquilibre temporel asymétrique est « usant » au sens propre, est une loi de l’univers.
Onzième postulat : l’asymétrie temporelle que représente l’écoulement unidirectionnel du temps est une propriété subie par le génome dans son processus de reproduction et de transformation quel qu’en soit le mode.
Osons, Osons : le temps, c’est l’arbitre de la vie. Quand le mouvement gagne sur le temps, c’est la vie. Quand le temps gagne sur le mouvement, c’est la mort.
Si l’on considère le vivant comme le résultat d’une forme de reproduction ou de réplication, quel que soit la richesse des ressources extérieures qu’il capture à son profit, il ne peut que retarder une dégradation de l’ensemble de ces systèmes organiques.
Il n’y a pas de possibilité de renaissance du système complet dans l’état actuel de nos connaissances scientifiques. Toutefois, les succès récents montrent qu’il est possible de régénérer certains organes détruits à partir des cellules souches. Faut-il remettre en cause le principe de l’irréversibilité ?
L'ADN est dit avoir la propriété de pouvoir être produit à l'identique. C’est ainsi que l'information génétique se transmet à l’identique d'une cellule mère aux cellules filles lors de la division cellulaire. Est-ce bien vrai ou une approximation utilitaire ?
Parenthèse : Nous vivons dans un monde d’approximations utilitaires. Certaines sont perceptuelles comme une vision continue d’une série d’images discontinues (la bande cinématographique) ou de points qui s’allument (la télévision). Certaines approximations sont mathématiques faute de pouvoir obtenir un cadre transposable dans la réalité observable. Fin de parenthèse.
Que devient le postulat de la non-reproductibilité à l’identique et de l’irréversibilité spatio-temporelle. Si l’on accepte ce postulat, il n’y a pas deux champs de gravité spatio-temporels identiques et donc il y a une différence entre cellule mère et cellule fille. Il ne s’agit pas d’un artefact rare – une impureté stochastique - qui peut subvenir en raison de conditions particulières mais bien d’un corollaire du septième postulat qui avance que la reproduction à l’identique d’une cellule n’existe pas.
On sait qu’il n’y a pas de vrais jumeaux si l’on considère le détail de ses particularités. Toutefois la réplication de la cellulaire ordinaire semble bien quasi identique. Cela s’explique par l’extrême rareté du phénomène mutagène. Une mutation de la lignée germinale ou somatique est considérée comme un phénomène rare et comme une erreur programmatique dont la cause est d’abord environnementale. Le neuvième postulat introduit une sensibilité spatio-temporelle qui n’est pas détectée à ce stade de la science. On peut imaginer cependant que cette sensibilité sera détectée dans les prochaines années dans les expériences menées dans l’espace.
Une modification importante et durable de l’expression des gènes est actée par la NASA faisant suite au voyage dans l’espace en 2015 d’un cosmonaute ayant un jumeau (les jumeaux Scott et Mark Kelly) resté à terre.
Cependant, Il n’y a pas eu à notre connaissance d’expérience complète, de la fécondation à la reproduction de mammifère dans l’espace à ce jour. Une fécondation a bien eu lieu dans l’espace mais la gestation a eu lieu sur terre.
Quelles sont les autres voies de la transformation du vivant ?
La plasticité phénotypique est un vocabulaire contemporain pour désigner la grande variation des solutions observables et descriptibles de la fonction organique. Plus scientifiquement, c’est la capacité d’un code génétique (génotype) unique à exprimer plusieurs caractéristiques (phénotypes). Ces caractéristiques dépendent pour partie des conditions environnementales.
Par exemple la « dunaliella » est une algue verte unicellulaire qui s’adapte à la forte salinité et au soleil en produisant des pigments anti oxydants qui lui donne sa couleur rose. Cette algue était connue mais a été étudié seulement au 20ème siècle. D’où vient cette capacité d’adaptation et quelles en sont les limites ? On peut expérimenter - c’est bien ce qui se fait- mais on manque encore de base théorique.
L’observation de la plasticité phénotypique est très large parce qu’elle relève de l’observation directe et rend possible l’expérimentation en particulier concernant les plantes. La conceptualisation reste pauvre comme on le constate quand on se contente d’écrire P (Phénotype)= G (génotype)+E(Environnement). Le phénomène est plus complexe et sa connaissance progresse si vite que je n’ai pas le temps de terminer ma réflexion sur l’évolution du vivant que ... .
Par ailleurs, il semble que l’évolution adaptative soit plus positive (adaptation à l’environnement) globalement que régressive (désadaptation à l’environnement). Pour réellement affirmer cela, il faudrait enlever le processus d’extinction des espèces dû à un évènement comme une catastrophe rare ou l’invasion territoriale de l’Homo Sapiens. Ce dernier facteur peut remettre en cause la tendance évolutive naturelle du vivant.
Quelles sont les limites de l’adaptation phénotypique ? Quelles étaient les caractéristiques de l’œil humain chez le néanderthalien et avant ? L’homme vieillit et donc il a besoin plus longtemps de ses yeux. La presbytie va t’-elle reculer ? le vieillissement du cristallin peut-il être décalé de génération en génération ? Quelle pourrait-être la prochaine adaptation de l’œil humain ? répondre maintenant à cette question est un pur exercice d’école mais il montre bien la complexité du problème posé.
Il est cependant probable que l’on n’attendra pas une mutation génomique ou une expression nouvelle phénotypique produite par le hasard mais que l’on agira directement sur la cellule souche … un jour… ou sous certaines conditions d’urgence sanitaire. Imaginons qu’un virus s’attaque au cristallin humain….
Actualisation 2020. Quand j’ai écrit ces lignes entre 2015 et 2020, je ne pensais pas à la COVID 19 et à son impact sur la santé à long terme. Mais il apparaît que ce dernier puisse laisser des séquelles après guérison et notamment des troubles oculaires (Chémosis, un œdème de la conjonctive, signalé dès le début de l’épidémie).
La transformation du vivant au fil du temps est expliquée par une adaptation sélective de l’espèce à son environnement, la sélection naturelle, et par la transformation accidentelle du génome. Rarement, est envisagé, une rétroaction systémique qui serait une forme d’adaptation intelligente du génome. L’adjectif « intelligente » n’étant pas approprié, j’en conviens. Le vocabulaire serait plutôt transformation apprenante systémique. C’est une forme de transformation induite en réaction à un environnement qui ne satisfait pas la finalité de la fonction. Cela suppose un échange traçable avec le milieu environnant, comme une capture d’événement avec une trace mémorielle. Le circuit du changement systémique apprenant n’est probablement pas direct mais procède d’une liaison avec d’autres organes comme le cerveau et certains centres neuronaux. Sous cette hypothèse, la transmission au patrimoine génétique et une reproductibilité durable de la transformation se situent au bout du processus.
Douzième postulat : La transformation du génome peut également provenir d’un processus apprenant du vivant.
On peut combiner la théorie évolutionniste et la théorie de la transformation apprenante systémique dans l’évolution de l’espèce. On peut légitimement s’interroger sur l’idée que toute dynamique aboutit à une transformation et qu’il n’existe aucun évènement neutre. Ne tombons pas dans l’excès inverse qui consiste à imaginer que toute modification infime de l’environnement agit en profondeur.
Parenthèse : C’est le cas de certains cercles comme ceux qui valorisent l’homéopathie ou qui croient à la mémoire de l’eau.
La mémoire de l’eau a fait couler beaucoup …d’encre. En fait, ce sujet pose deux questions : la première est celle de la trace mémorielle si infime qu’on ne peut la déceler ? la seconde est de considérer que le milieu a été transformé et a gardé cette transformation ? Si dans le présent et le futur, aucun élément observable ne permet de déceler une eau différente, par exemple, en raison d’une dilution extrême de l’infime molécule colorante ajoutée, alors il faut considérer que c’est simplement un abus de langage de parler de mémoire de l’eau.
Il en est de même avec un système complexe. Tout évènement ne participe pas à une transformation du système. Fin de la parenthèse.
Quelle dynamique participe à la transformation du vivant ? Le vivant est soumis à une extrême pression de l’environnement. Essayons d’en identifier les lignes de forces avant d’en déterminer leur impact.
Quelles sont les lignes de force universelles qui influencent l’évolution du vivant ?
Le vivant est une combinaison entre la nature planétaire présente à un moment favorable donnée et des lignes de forces universelles ou gouvernes qui conduisent à l’évolution du vivant. La gouverne est une propriété de l’univers qui met en relation systémique l’environnement et tout ensemble encapsidé.
Ces gouvernes sont au moins au nombre de 5 :
- La gravitation ou plus largement le champ gravitationnel
- Le temps ou plus largement l’espace-temps
- L’énergie ou plus largement les forces de rayonnement
- La force H, un ensemble de processus d’ordre universel intrinsèque qui relie l’ensemble du système du vivant, Un genre de lien « fantôme » entre les éléments du système.
- Le force R, qui engendre un processus de reproduction-réplication expansionniste depuis la présence d’un vivant 0.
Le quatrième facteur, la force H, n’est pas encore défini en tant que variable mesurable. Elle permet de palier soit à une insuffisance de connaissances, soit à une logique arbitraire qui se heurte à des difficultés. Sans commentaires…
On peut imaginer des conséquences de ces gouvernes liées aux capacités du vivant : sa capacité d’expansion-contraction, à s’étendre ou se replier, à se nourrir des autres ou être mangé, à asservir ou être asservi. Le stop and go, le continu et le discontinu. L’équilibre ou le déséquilibre de l’écosystème vivant est le résultat d’un jeu de forces dont la stabilité n’est pas garantie au delà d’une certaine période.
Dans le domaine social, quel que puisse être l’état d’âme du vivant, sa plus grande préoccupation c’est l’autre. Celui qui a le même objectif. Le résultat : acceptation ou refus, assimilation ou rejet, conquête ou défaite n’est que l’aboutissement de l’échange et de la confrontation. Il y a donc un écosystème social dérivé. Intervient-il dans le processus génétique d’évolution du vivant ? Faut-il relier l’adaptation du comportement social animal à une évolution de l’espèce ?
La combinaison de ces gouvernes va conduire à la formation originelle d’un résultat - une forme vivante adaptée à son environnement et former avec lui un écosystème évolutif plus ou moins rapidement en fonction des rapports de domination ou de compromission des formes vivantes entre elles et avec l’environnement - le vocabulaire fleurit : mutualisme, commensalisme, amensalisme, parasitisme, …-.
Chacune des gouvernes est une propriété de l’univers.
La gouverne « gravitation » qui définit la force de masses qui s’attirent entre elles est une gouverne d’organisation et de transformation du vivant. Le vivant terrestre semble acquérir pleinement ces fonctions biologiques en se structurant sous l’effet gravitationnel. S’agit-il d’un contexte favorable spécifique de la fourchette de gravité ou cette gouverne est-elle plus généralisable ? La topologie gravitationnelle au niveau de la cellule et en particulier des chromosomes a sans doute une importance dans la réplication. Je ne vois pas comment il pourrait en être autrement.
La gouverne « temps » ou plutôt « espace-temps » est depuis la mise en évidence de la relativité restreinte et générale plutôt une loi qui régit l’univers et la perception du temps et de la durée propre à l’homme. Le vivant est gouverné par l’espace-temps (sans qu’il en soit une conscience aigue) et cherche à s’approprier de l’espace- temps ou plutôt de la durée disponible dans un espace-temps donné. Cette durée disponible, c’est un besoin d’être hors du temps. Il lui est nécessaire pour ne pas être synchrone de manière systématique avec les éléments extérieurs à son écosystème.
L’Homo Sapiens par rapport à l’animal ressent plus ce besoin. Il va conduire à une isolation protectrice (ralentir le temps) avec son milieu et donner lieu à une généralisation de l’enveloppe protectrice sous différentes formes telles qu’une simple membrane filtrante, une coquille, une muqueuse, etc. Il peut prendre une forme plus élaborée avec la recherche d’un isolement psychique (que l’on trouve par exemple dans le bouddhisme). La fonction grégaire socialisante et l’apprentissage mutualisé fait partie de cette gouverne.
La relation de la reproduction du vivant avec le temps est complexe et mal connue. La durée de vie, la durée de la gestation, la vitesse de reproduction, la chronobiologie d’une manière générale pose encore plus de questions qu’elle n’en résout.
La gouverne « énergie » est également une propriété universelle qui s’exprime en permanence dans l’univers. L’univers produit de l’énergie - par exemple, énergie solaire qui reste essentielle - qui alimente le vivant de manière directe ou indirecte. Tout vivant de manière simple ou complexe consomme de l’énergie et la transforme au besoin pour sa propre survie et celle de ces congénères. L’ensemble du système vivant depuis qu’il est apparu a produit un système de capture et de transformation de l’énergie externe au profit du système interne. La fonction d’échange fait partie de cette gouverne.
La force H comme holisme pose comme postulat qu’il existe des forces intrinsèques d’ordre universel qui sous tendent la manière dont se construit l’écosystème du vivant. Cela n’est pas le principe d’un déterminisme absolu mais le postulat qu’il existe des systèmes organisés qui déterminent certaines finalités. Le monde des fourmis lui-même semble recourir à une force de liaison H qui permet à la collectivité de subsister de manière pérenne. C’est le groupe qui génère l’auto-organisation des individus dans le but de l’adapter à son environnement.
La relation de désorganisation est la relation naturelle mais la force H tente de surmonter les artefacts déstabilisants et de créer une relation d’ordre. Plus il arrive à créer une relation d’organisation, plus la tendance contraire augmente et conduit finalement à l’entropie du système vivant dans une logique d’irréversibilité.
Le vivant à la fois prend son temps et capture le temps. Il s’agit d’un paradoxe étonnant. D’une source vitale initiale, le vivant mettra des millions d’années à évoluer, à multiplier ces formes de vie par des pas plurimillénaires. Il résistera globalement aux épreuves du temps faisant fi des catastrophes naturelles. Le facteur H est également une force néguentropique qui compense la désorganisation apparente du système vivant. C’est le temps holistique. Comme tout système, il est conduit à échanger pour se développer. Sa capacité à échanger au-delà de la planète est encore faible. L’apport d’énergie solaire est la seule ressource de l’univers qui est exploitée.
L’autre facteur, c’est sa capacité à se créer du temps en le capturant. L’encapsulation permet de créer une fenêtre de temps intérieur. Il permet une chrono activité à une vitesse différente adaptée à son environnement. Par exemple, le temps de d’éclosion face à la menace ou l’absence de menaces de prédateur peut varier chez certaines espèces.
L’ensemble de ces gouvernes s’exprime dans ses conséquences par la réplication-duplication et la transformation du vivant qui rentre dans la logique d’expansion-domination. Les formes résultantes sont multiples. Le vivant se veut impérialiste et égocentré (au centre de la puissance) avec des forces qui s’opposent et trouvent un équilibre plus ou moins durable. Le système de reproduction participe à cette gouverne.
La force R va venir compléter cette présentation des 5 gouvernes. Reproduction, multiplication, dissémination, fusion, conduisent l’instinct végétal, animal comme l’instinct humain c’est-à-dire toute forme de vie. C’est une propriété universelle qui s’exprime principalement dans ses conséquences par la réplication-duplication et la transformation du vivant. Il s’agit d’une gouverne qui conduit tout système vivant (plus précisément toute force vitale génomique) à s’épandre pour dominer son écosystème ou à se contracter pour résister à une menace environnementale.
Cette force R occupe une place essentielle dans la définition du vivant. Pour ce faire, mille et un moyens seront utilisés pour proliférer. La réalité dépasse la fiction et le génie créateur est dans les gènes.
La perpétuation est-elle une composante de la force R ou simplement une conséquence de l’expansion ? la réponse est encore incertaine.
Les formes résultantes sont multiples dans ce qui semble être un combat permanent pour vivre. Le vivant se veut impérialiste et égocentré (au centre de la puissance) avec des forces qui se rencontrent et trouvent un équilibre plus ou moins durable. Il est capable de fusionner comme l’ont fait le néandertalien et le Sapiens. Il n’y a pas de garantie évolutionniste et certaines fusions conduisent à rendre l’hybride stérile. C’est le cas dans le monde animal et végétale. Cela a pu être le cas chez l’humain.
Parmi les mécanismes mis en œuvre, on peut s’interroger sur le rôle de l’apoptose, une forme de régulation du système qui peut être un levier du facteur R, le développement cellulaire est partiellement lié à cette fonction régulatrice.
Parenthèse : mettre en avant une force R nous permet d’échapper au débat finalistes-mécanistes et de nous positionner. Pour les uns ce serait une force propre à l’espèce, pour d’autres propre à tout génome, ou bien encore à une combinaison de base moléculaire propre au vivant 0. L’ADN quelque soit son enroulement et sa composition serait au centre de cette force R. Même si le processus est sans doute un peu plus complexe, l’idée reste qu’il existe une force R qui est universelle. Fin de la parenthèse.
La multiplication virale qui s’installe dans un système vivant fait également partie de cet ensemble de gouvernes mais le phénomène est une variante particulière puisque le virus (tel que défini classiquement) nécessite un hôte et la machinerie du vivant. Dans les dizaines de milliards de combinaisons (on ne sait pas) qui ont pour source la force R. le rétrovirus à ARN n’est qu’un cas particulier qui a également besoin d’ADN pour se reproduire.
Y-a-t-il une l’influence d’autres forces fondamentales proposées dans le modèle standard de description des phénomènes physiques observés dans l’univers ? Oui probablement, mais lesquelles ?
La combinaison de ces gouvernes va conduire à une formation originelle d’un résultat qui sera une forme vivante qui s’adapte à son environnement et forme avec lui un écosystème plus ou moins durable. Cet écosystème est évolutif en fonction des rapports de domination des formes vivantes entre elles et des ressources de l’environnement qui participent à l’écosystème.
Treizième postulat : tout système physico-chimique possédant de l’ADN est potentiellement soumis à la force R quel que soit l’environnement.
Parenthèse : Les gouvernes et la santé. Si l’on accepte le corpus des gouvernes, il faut alors définitivement écarter le divin et la fatalité. La maladie a longtemps été considéré comme une malédiction et non comme le résultat d’un problème propre au vivant. L’évolution vers une conception moderne a été lente. Historiquement, la médecine limitait les causes des maladies aux humeurs ou aux déséquilibres de celle-ci. Cette conception était proche de celle du Yin et du Yang, une approche métaphysique asiatique qui s’appliquait à l’état de santé d’un humain. La période d’Hippocrate, mort en 377 avant l’ère commune, va marquer un tournant dans la vision de la santé humaine durant la période gréco romaine. C’est d’une part, l’approche clinique et la mise à l’écart du divin comme cause originelle de la pathologie. C’est aussi la reconnaissance du rôle de l’environnement dans la maladie. Il faudra encore des siècles pour que l’on puisse considérer que le fait religieux lié à la médecine humaine disparaisse à l’exception de la croyance résiliente de quelques minorités. Aujourd’hui, la vision de la santé est libérée du carcan théologique et philosophique. Fin de la parenthèse.
Pour chaque gouverne, Il est possible de prévoir un impact qui interagit avec l’évolution du vivant. J’ai entendu mon grand père, qui n’était pas préoccupé par le champ gravitationnel, me dire de nombreuses fois qu’il fallait couper le bois à la lune descendante. Cet exemple peut être généralisé sans invoquer le surnaturel.
Le champ gravitationnel et ses variations, les diverses sources d’énergie et de rayonnement, les variations de l’espace-temps, et tous les environnements physico chimiques d’une manière générale sont actifs et produisent des milliards de milliards de situations singulières depuis l’infiniment petit à l’infiniment grand. Certaines singularités ou cumul de singularités ont une capacité à modifier l’ordre issu du désordre et réciproquement.
Quatorzième postulat : l’évolution du vivant est soumise à une succession d’organisation et désorganisation qui reconfigure sa relation avec les gouvernes universelles.
Les progrès scientifiques peuvent-ils modifier cette approche ?
Aujourd’hui, on considère de plus en plus l’infiniment petit et l’infiniment nombreux. Aux éléments microscopiques succèdent les éléments nanoscopiques comme indispensables à la compréhension du vivant. L’autre aspect est la prise en compte de l’infiniment nombreux. On considère l’impact d’une population en millions voire de milliards d’individus qui peuplent toute forme de vivant (virus, bactéries, structures cellulaires, …).
Par exemple, on s’interroge sur le rôle des microtubules de quelques nanomètres qui tapissent les cellules ou celui des filaments. Elles permettent une communication intra cellulaire que l’on découvre. Même s’il existe des mécanismes régulateurs, on ne peut que s’émerveiller de la robustesse du système et se demander pourquoi il ne s’écroule pas comme un château de cartes.
Compte tenu du nombre de cellules, on peut imaginer que l’erreur est permanente car il y a toujours une cellule qui prend la mauvaise route, celle qui agit sur la régulation du système et le transforme. La cause peut être un dérèglement interne ou un impact externe. Un système est globalement plus ou moins en tension permanente d’organisation et de désorganisation.
On peut supposer que le danger de désorganisation augmente plus rapidement au cours de certaines phases comme les moments de croissance de l’organisme vivant.
Qu’est-ce qui explique qu’un organisme soit plus fragile à certains moments de sa croissance ? Une plus grande exposition aux gouvernes et une plus grande réceptivité. Par exemple, l’énergie requise est plus dirigée vers la transformation cellulaire interne que vers la défense de l’organisme.
On ne sait pas encore mesurer l’impact sur le système vivant dans le cadre des variations des gouvernes que nous décrivons. Par exemple, quelle est l’impact d’une variation du champ de gravité sur le processus de fécondation ? quel est l’impact d’une éruption solaire sur le système immunitaire ? De nombreuses altérations sont susceptibles de se produire.
L’action de la pesanteur sur terre est indissociable de la gravité et de ses variations. C’est elle qui s’impose comme gouverne active dans les différentes mutations, mitoses, méioses, réplications et autres phénomènes qui surviennent dans l’évolution du vivant dès le stade de la reproduction.
L’exigence topologique est que le champ gravitationnel cosmique doit être à l’identique pour reproduire à l’identique. Or ce champ est plus ou moins stable. La vraie question, est de savoir à quel niveau de modification il influence le phénomène de reproduction (et il peut y avoir des pics d’instabilité).
Par exemple, un humain qui parcourt 10 km chaque jour n’est pas exposé au même statut sanitaire qu’un humain qui passe plus de 70% de son temps allongé et assis. Ce statut est différent pour des raisons purement gravitationnelles. Mais ce phénomène n’est pas mesuré sous cet angle. On évoque bien la station debout comme cause des varices mais les mesures de la relation avec la force gravitationnelle restent grossièrement explorées.
La raison probable est que la pesanteur (combinaison du champ gravitationnelle et de l’effet de la rotation de la terre) varie assez peu sur la terre et que cette variation n’est donc pas un facteur déterminant dans le domaine médical. Il faut donc plutôt partir de la sensibilité individuelle à la pesanteur qui est variable d’un individu à l’autre et d’un sous groupe de vivant à l’autre.
On dispose aujourd’hui de gravimètres qui permettent des mesures précises du champ de pesanteur. Si l’humain ne ressent pas la différence de pesanteur qui existe entre le sol du champ de mars et le dernier étage de la tour Eiffel, il est possible que cette différence ait un impact sur l’infiniment petit du vivant. C’est le cas des tubules que nous avons précédemment cité. On peut facilement imaginer que le processus de renouvellement des cellules dans un champ de gravité qui se modifie peut modifier la croissance de ces tubules.
Actuellement, la recherche reste dans une relation cause-effet. La méthode expérimentale est toujours d’actualité. Elle peine à réaliser des expériences pour l’infiniment petit et cela constitue une barrière. Pour échapper à la contrainte de la gravité terrestre, l’exploration spatiale devrait apporter des éléments nouveaux.
Il en est de même pour la gouverne énergie qui part du principe que tout vivant est une usine à capturer des joules, transformer, produire de l’énergie. Mais l’altération de l’absorption ou de la production d’énergie peut entraîner une altération des fonctions.
Quant à l’espace-temps et la dimension temps en particulier, on imagine bien le nombre d’altérations lorsque le phénomène est soumis à une synchronisation temporelle qui ne se produit pas.
Cela signifie, qu’un grand nombre de transformations sont le résultat de ces interactions permanentes avec les gouvernes et des altérations qui peuvent survenir tout au long du cycle de vie et indépendamment des actions néfastes de l’environnement de proximité (celui qu’on choisit – la nutrition par exemple) et celui qu’on subit (la pollution urbaine par exemple).
Les recherches sur la résilience (ou robustesse) d’un système sont encore récentes et malgré l’apport des théories de l’information, et autres apports scientifiques récents, on peine à établir une vision partagée concernant le vivant.
Au-delà du microscopique, l’avènement de la biologie quantique devrait également permettre de mieux comprendre certains processus. En 2020, Il n’est pas interdit de penser que le comportement corpusculaire et ondulatoire entre atomes et molécules de base du vivant va faire progresser la compréhension de l’évolution du vivant. Par exemple, la théorie de la décohérence indique que ce phénomène ne dépend pas uniquement d’un observateur mais de toute action externe au système. Bienvenue dans le monde de la génétique quantique…
Si la gravitation quantique est encore au stade de la théorie et de sa vérification, on peut simplement imaginer qu’il peut exister des fluctuations quantiques cosmiques susceptibles de créer des altérations cellulaires et génomiques qui entraînent des transformations d’origine génétique. Il est logique de penser que tout phénomène ondulatoire et corpusculaire est loin d’être neutre et la question est alors de déterminer dans quelles conditions, le phénomène devient impactant.
Pourquoi une théorie synthétique de l’évolution est scientifiquement acceptable ?
Evolutionnisme, transformisme, fixisme, darwinisme, créationnisme, … . Ce sont des querelles que les scientifiques aiment à porter au niveau de débats sans fin (utiles et futiles à la fois). Il est sage de garder la sélection naturelle en la combinant au transformisme. La seule difficulté est de mieux comprendre le rôle de chaque processus.
La théorie de la sélection naturelle est admise par la communauté scientifique car elle a une haute probabilité. La mutation génétique spontanée est également admise par la communauté scientifique car elle prouvée par l’analyse génétique. L’adaptation génétique à l’environnement le sera certainement car les indices s’accumulent (c’est le cas de la dérive génétique qui résulte d’une sélection naturelle basée sur la diversité génétique).
On peut faire l’hypothèse que se forme un ARN messager singulier en réaction à un phénomène d’adaptation réactive. La sélection naturelle peut précéder ou prendre le relais ou intervenir en parallèle car les deux processus ne sont pas incompatibles.
On peut également s’interroger sur le caractère spontané de la mutation. Il semble plus logique de faire intervenir une « altération », (certains diront une impureté, un bruit, un artefact), interne ou externe. Un méga ou micro-virus est l’une des nombreuses voies de l’altération.
La question est de savoir comment se produit la réaction mutagène due à l’environnement et son intégration dans le génome. Actuellement, on a constaté des apprentissages temporaires sur des formes simples de vie dans le domaine végétal qui se transmettent. Le lien qui manque est le passage de l’organe mémoire de l’apprentissage à l’organe de reproduction.
Actualisation 2020 : La science va plus vite que mes écrits. La découverte de la méthylation et son rôle reconnu dans la transformation épigénétique conforte l’hypothèse de ce que j’avais appelé en 2015 ajustement génétique systémique n’ayant pas de connaissances précises des processus. Elle relie l’environnement à la transformation observations sont relevées et constituent des indices de l’ADN héréditaire. La paramutation (une interaction épigénétique) aboutit également à un changement héréditaire du phénotype.
Certains métazoaires (animal pluricellulaire) ont intégré dans leur patrimoine héréditaire des transformations liés au changement d’environnement de manière pérenne sur quelques générations. Les études épigénétiques plaident en faveur d’un néo-lamarckisme. Si l’expression des gènes paraît pouvoir jouer un rôle dans la transmission épigénétique comme cela a été démontré en 2019, Il reste à démontrer que « l’hérédité douce » peut aussi provenir d’un processus plus direct de sensibilité à l’environnement.
Il n’est pas facile de démontrer qu’une mutation relève d’une transmission systémique d’adaptation à l’environnement dans le domaine d’humain. Restons prudents sur les indices qui vont dans ce sens.
Ainsi, des scientifiques ont décrit une adaptation génétique de l'être humain à la plongée en profondeur, à savoir le développement exceptionnel de la rate du peuple Bajau en Indonésie (étude publiée en 2018). Toutefois, le processus qui a conduit à cette différence génétique inclus dans le patrimoine héréditaire n’est pas explicité. On ne sait donc pas, s’il s’agit d’une mutation aléatoire avec un processus de sélection naturelle par dérive génétique ou le résultat d’un échange génétique systémique transgénérationnel propre à une sous-population que l’on surnomme les "nomades de la mer". Ces indigènes pêchent en descendant jusqu'à 70 mètres de profondeur (la norme est plutôt entre 15 et 30 mètres pour un plongeur comme vous et moi) avec pour seuls équipements des poids et un masque rudimentaire. Ils passent jusqu'à 60% de leur journée de travail à plonger à la recherche de poissons, pieuvres et autres crustacés et peuvent passer jusqu'à treize minutes sous l'eau sans respirer (une durée similaire à celle des loutres de mer).
Intriguée par de telles aptitudes, la scientifique américaine Melissa Ilardo s'est demandé s'ils avaient subi une modification génétique pour être en mesure de rester sous l'eau beaucoup plus longtemps que les autres humains. Elle a passé plusieurs mois en Indonésie auprès des Bajau et d'un autre peuple qui ne plonge pas, les Saluan. Elle a notamment prélevé des échantillons génétiques et effectué des échographies, qui ont montré que la rate des Bajau était environ 50% plus grosse que celle des Saluan.
Cet organe est important en matière de plongée car il libère davantage d'oxygène dans le sang lorsque l'organisme est placé dans une situation de stress, comme lorsqu'une personne retient son souffle.
La rate des Balau était plus grosse, qu'il s'agisse ou non de plongeurs, et une analyse ADN en a révélé la raison. En comparant le génome des Bajau à deux populations différentes, les Saluan et les Han chinois, les scientifiques ont trouvé 25 sites génomiques ayant d'importantes différences. L'une d'elles se trouvait sur le gène PDE10A, considéré comme déterminant dans la taille de la rate des Bajau.
Il y a donc une différence génétique mais on ne peut pas en déduire qu’elle est liée à la pratique de la plongée en eau profonde. De même, on ne peut pas déterminer si cette différence génétique évolue encore vers une plus grande capacité par un phénomène de sélection naturelle par dérive génétique.
On sait également que les Tibétains ont un génome différent, l’ Haplotypes Epas1.edi qui leur est spécifique et explique leur adaptation à la haute altitude. Il viendrait d’une population humaine de la branche des Denisoviens, il y a 20000 ans. Il s’agirait donc d’un phénomène de mutation spontanée et d’une adaptation naturelle qui aurait conduit les tibétains à occuper leur territoire en ayant un avantage.
L’asymétrie fonctionnelle est-elle une autre caractéristique du vivant ?
Le doublonnage de certains organes est un fait observé dans le monde végétal et animal. Notons que le doublonnage n’est pas systématique et que l’on n’a pas à ce jour d’explication sur ce phénomène. Pourquoi ne possède-t-on qu’un seul pancréas mais deux reins ?
Nous observons cependant qu’il n’y a pas un doublonnage complètement à l’identique. C’est ce que l’on appellera l’asymétrie spatio-temporelle.
Ainsi, fonctionnellement, les yeux ne sont pas identiques (œil directeur par exemple), les deux bras ne sont pas identiques (droitier), les deux parties du cerveau (émotionnel, rationnel), les oreilles (perception différente du son).
Si l’on accepte le principe de l’asymétrie fonctionnelle comme un principe universel, C’est probablement aussi le cas pour les reins, les organes sexuels, les amygdales et les glandes d’une manière générale, etc.
Quinzième postulat : le doublonnage d’un organe lorsqu’il se produit ne donne jamais un organe totalement identique à 100%.
D’où viendrait, l’asymétrie organique ? L’univers étant en mouvement, l’asymétrie temporelle – qui fait que l’on ne peut avoir de doublons strictement identiques - peut s’expliquer par un décalage spatiotemporelle simple. Si l’on admet que l’organe se forme dans un environnement 4 D, on réalise la difficulté à ce que le résultat soit identique. Mais cela n’explique peut-être pas l’asymétrie fonctionnelle.
On y réfléchit…. Une première idée est que tout organe dédoublé et ses appendices continuent à évoluer vers une spécialisation pré programmée après leur dédoublement initial. Quoi qu’il en soit, on n’a pas encore de réponse pour expliquer la logique du doublonnage partiel. Il est certain qu’un deuxième pancréas aurait été bien utile si l’on considère la gravité du cancer du pancréas.
Comment expliquer l’empreinte identitaire de l’espèce ? Est-elle reliée à la défense immunitaire ?
Le rejet de l’hôte non compatible participe à l’évolution du vivant. Le rejet des greffes a popularisé le concept. Il s’agit bien là d’un effet systémique action-réaction en réponse à la finalité supposée de protection. La fonction de défense immunitaire est aujourd’hui mieux décrite. Cette description scientifique est récente et bien après la pratique de la vaccination par Pasteur.
Il est nécessaire de situer sa place dans l’évolution du vivant. La question est celle d’une identification réussie de l’agent étranger. On peut imaginer un processus simple d’exclusion de ce qui n’est pas « ami » ou un processus plus complexe. Cela suppose soit un répertoire pré enregistré, soit une évaluation de la compatibilité soit les deux.
Le mot « ami » est bien entendu non approprié. Il faut entendre « supportable par le système ». Tout ce qui n’est pas supportable est rejeté. Une transition du supportable vers le non-supportable peut arriver et provoquer un dysfonctionnement du système. De même un rejet non contrôlé peut faire sortir le système de son contrôle réactif (comme on a pu le constater dans la pandémie de la COVID19). Comment le système fait le tri être ce qui est supportable et non supportable ?
La fonction immunitaire est liée au processus d’empreinte identitaire (qu’il arrive en premier ou en second). Pour un grand nombre d’animaux, le marquage identitaire est d’ordre chimique a priori. Les exemples sont nombreux mais il peut également prendre des formes plus complexes. Ils concernent également les sous systèmes composites et on connaît bien les altérations de la santé lorsqu’un sous système ne reconnaît pas sa propre identité. (Maladies auto immunes).
Seizième postulat : Tout individu vivant développe un jeu d’empreintes identitaires qui lui est propre en symbiose avec celles de son espèce.
Ce postulat nous indique simplement une évidence que l’on traduit par l’empreinte génétique, l’empreinte identitaire de l’œil ou de la peau du doigt. La réalité est plus complexe car il y a une identité globale, une identité des sous systèmes du vivant, une identité cellulaire, etc. Un lien existe entre elles. La hiérarchie de ses identités, la manière dont elles provoquent des mécanismes de défense, de soumission et autres est mal connue. Notre postulat mérite d’être complété.
L’évolution de la pensée scientifique et la prospective de l’évolution du vivant.
La compréhension du vivant, c’est aussi s’interroger sur la pensée scientifique pour confronter ses propres convictions mais aussi ses propres déviances.
Utiliser les termes de pensée scientifique, cela peut inclure des constructions d’hypothèses en fonction de théories encore en débat ou qui font des allers et retours. Par exemple, l’histoire de la structure de la lumière a ressemblé à une partie de tennis de table entre scientifiques pendant plus d’un siècle.
Une telle construction théorique se base sur des connaissances observables souvent impossibles à reproduire car l’environnement a changé. L’observable comprend aussi bien la mauvaise perception que l’erreur d’interprétation. Mais la théorie permet d’ouvrir le cercle des questions ?
Et, il est intéressant de se poser la question suivante : L’être humain 2020 est-il susceptible de s’adapter à son environnement futur ? Cette question at-elle du sens ? Quelles sont les évolutions générationnelles lentes qui peuvent amener une évolution génétique ? Quelles sont les ruptures systémiques qui pourraient provoquer un changement ?
L’évolution de l’environnement s’étale sur plusieurs siècles mais y-a-t-il une plasticité phénotypique ?
L’évolution de l’environnement a concerné de nombreux facteurs, par exemple : Le changement de l’alimentation au cours du dernier millénaire, le changement climatique, le changement cosmique, le changement démographique, le changement de notre écosystème, le changement de nos habitudes de travail sont des facteurs d’évolution très lente à l’échelle du cosmos.
Les études épigénétiques longitudinales sont trop récentes pour permettre un résultat. La paléogénétique montre assez clairement que la répartition des sous espèces suit le mouvement climatique. La mise en évidence du processus biologique entre facteur environnemental et mutation génétique reste pour le moment spéculatif. La spéciation (création de nouvelles espèces) semble une évolution lente sur des milliers d’années. Et actuellement, on ne sait pas repérer la variation qui pourrait servir de marqueur à une évolution lente. Ce manque devrait être comblé au cours de ce siècle.
La société fait partie de l’environnement. Comment la relier à l’évolution du vivant ? Si la socialisation est reliée au vivant végétal, animal ou humain, on peine aujourd’hui à relier une fonction organique précise à la socialisation.
Celle-ci se manifeste par des modes associatifs en groupe.
Ainsi la convivialité est une forme de socialisation mais il est difficile de la relier à un seul organe. Cette liaison se précise pour partie avec l’analyse du cerveau humain par les neurosciences. La liaison avec l’expression génétique est encore au stade de la recherche. Ce qui est certain, c’est que les facteurs d’environnement sont de plus en plus analysés dans leur conséquence sur l’expression génétique du végétal, de l’animal et de l’humain.
Les avancées technologiques et scientifiques vont faire faire un bon en avant dans ce début du 21ème siècle pour comprendre l’évolution du vivant. Peut-être, il serait plus sage que j’arrête d’écrire.
Parenthèse : En 2020, une équipe scientifique a fait une étude sur les regroupements de requins marteau au cours d’une période de reproduction. Filmée en plongée sous-marine au large des Galapagos près de l’île Darwin J’ai été impressionné par les moyens développés. Un bateau scientifique de grande classe, un équipage en rapport, une équipe conséquente en nombre de scientifiques, etc. Je me suis posé la question : Est-ce que filmer la ronde d’un groupe de requins marteaux autour de quelques femelles justifie un tel déploiement de forces intellectuelles et de dépenses financières ? Bien évidemment, le reportage sera vendu aux chaines de télévision, bien évidemment, il y a un projet scientifique plus complet que j’ignore, bien évidemment, il y aura une publication scientifique pour qu’une petite pierre de la connaissance s’ajoute aux précédentes. Je continue cependant à m’interroger sur le choix apparent de l’observation comme démarche scientifique principale. Comment évaluer la valeur ajoutée de cette observation ? Comment dépasser le stade de la simple observation ? Pourquoi au moment où on construit un super collisionneur, on se contente de mettre une balise à un bébé requin marteau ? Fin de la parenthèse.
Certains sujets d’études sont plus importants que d’autres pour comprendre l’évolution du vivant. Comment faire le tri ?
Par exemple, la genèse de la fonction digestive complète de l’Homo n’est pas apparue dans sa forme actuelle soudainement. Comment établir les principes de cet aboutissement ? Faut-il se concentrer sur les micro-organismes qui ont développé des systèmes primaires d’absorption-transformation ? Comment les baleines à fanons ont-elles développé un système si particulier d’apport de nourriture ? beaucoup de questions sans réponse satisfaisante. Il y a encore du travail… Comment progresser ?
Les théories anciennes doivent être intégrées dans une vision écosystémique pour permettre une compréhension de l’évolution du vivant. Il faut combiner l’indéterminisme et le déterminisme, la programmation et le hasard aléatoire, la complexité systémique et le hasard systémique.
Parmi ces évolutions scientifiques, les outils technologiques sont aussi importants que les théories. N’oublions pas que c’est grâce aux outils que notre chemin scientifique se trace dans le maquis de la connaissance.
De même, je pense que toute personne qui se déclare scientifique est influencée dans sa pensée par des modèles scientifiques. Il faut relier celui qui écrit à ses convictions. Moi, j’ai été sensible à certains d’entre eux.
Les travaux de Ilya Prigogine et de René Thom. Je n’ai pas l’intention de faire un résumé de leurs travaux : la vision non déterministe de l’un, sa théorie des structures dissipatives, et la généralisation du phénomène probabiliste, une approche de la bifurcation comme non singulière mais ordinaire. Une vision plutôt déterministe et une approche mathématique rigoureuse de l’autre, de l’importance de la topologie algébrique et surtout de la bifurcation. La théorie des catastrophes, marque une conception paramétrable mathématiquement de l’évolution lente d’un phénomène continue qui débouche sur des variations soudaines ou sauts. Ces travaux sont particulièrement utiles pour comprendre le phénomène d’ordre et de désordre, d’autorégulation et de brisure systémique. En fait, leur position me paraît une querelle d’ego porté sur le plan philosophique mais qu’il importe de dépasser dans une vision plus large de la théorie des systèmes.
Ludwig von Bertalanffy est probablement le troisième scientifique qui m’a le plus influencé. Ma conception du vivant s’en inspire. Pour moi, une prédiction de l’évolution du vivant ne peut se situer que dans une recherche systémique qui probabilise la tension environnementale et l’avènement d’une brisure systémique. Il paraît cependant impossible en cas de bifurcation systémique de déterminer lequel des scénarios va l’emporter parmi les milliers de scénarios compatibles.
L’effet papillon et la théorie du chaos doit-elle être prise en compte dans l’évolution du vivant ?
L’effet papillon (Lorentz, 1972) a fait couler beaucoup d’encre. Il est vrai qu’un simple battement d’aile d’un papillon au Brésil a peu de chances de provoquer une tornade au Texas mais cette métaphore montre que la route entre effet initial et effet final peut conduire à un différentiel extrême (minimal ou maximal) mais indéterminable. C’est que pose la théorie du chaos pour laquelle une différence initiale infime dans le processus déterministe d’une longue suite d’enchainements causes-effets ne peut aboutir à une situation déterminable. Cet enchainement peut être une bifurcation qui accélère le processus imprédictible ou bien une réduction de la désorganisation qui théoriquement conduit à plus d’organisation. Plus d’organisation, c’est une plus grande résilience du système mais également des évolutions brutales qui peuvent remettre en cause le système entier.
La prise en compte de la théorie du chaos dans l’évolution du vivant peut conduire à l’idée qu’une infime variation de l’environnement ou de l’effet initial peut conduire à un effet considérable ou être noyé par les autres facteurs d’environnement. On peut imaginer qu’un écart de température au moment où l’oiseau couve son œuf conduit à un résultat différent. Ce n’est qu’admettre l’existence d’un déterminisme relatif et c’est ce que nous retiendrons.
La physique quantique et l’évolution du vivant. Elle est venue au 20ème siècle ébranler quelques certitudes comme le déterminisme. Bien qu’elle se situe au niveau de l’infiniment petit, elle rebat les cartes des lois de la physique. Il est encore difficile de faire la part des choses et il est difficile d’évaluer son impact sur le processus d’évolution du vivant.
Peut-on créer un vivant artificiel ?
Nous ne nous lancerons pas dans un scénario de science fiction mais nous ferons un constat : La manipulation génétique deviendra courante dans quelques décennies. L’histoire montre que la lutte contre les risques prévisibles mettant en jeu la santé fait l’objet de prévention. La vaccination ne dit pas autre chose. Elle intervient après la naissance. Elle est entre prévention et précaution. Elle va continuer à prendre des formes de manipulation génétique voire de création artificielle de virus sans effet nocif mais capable de déclencher une production d’anticorps.
Par ailleurs, la naissance, l’interruption de grossesse est aujourd’hui acceptée dans la plupart des pays lorsque l’on a identifié un risque grave voire certain de malformation ou de handicap après la naissance.
Dans un premier temps réparer l’organisme, au stade de l’embryon, par manipulation génétique fera débat au sein de la communauté humaine. Quel parent pourra voir venir un handicap connu si l’on sait comment l’éviter. Il s’agit ici de prévention.
Cela suppose que l’on puisse identifier les maladies qui ont leur source certaine dans la configuration génétique des cellules embryonnaires. Par exemple, la trisomie 21 ou le diabète, dont le type 1 est le résultat d’une anomalie courante.
Le principe de précaution fera également débat car sans encadrement éthique strict, la manipulation génétique peut déséquilibrer l’écosystème du vivant, même avec de bonnes intentions. Citons, par exemple, la manipulation génétique d’un chercheur chinois He Jianki en 2018 qui voulait éviter que l’enfant à naître puisse contracter le HIV d’un parent porteur. Ce dernier sera condamné, à juste titre, pour avoir agi en dehors du consensus et du contrôle communautaire. Il n’en reste pas moins qu’il avait individuellement franchi le pas de s’appuyer moralement sur le principe de précaution, la science permettant d’aller vers cette voie avec de grandes chances d’atteindre l’objectif.
Quand ? et où ? Dans quel contexte ? Une pratique clandestine, une communauté légale dissidente ou pionnière suivant le point de vue de chacun, un facteur de risque déclencheur (épidémie virale sévère dans la population de nourrissons par exemple), sont les hypothèses les plus probables d’une ouverture éthique et médicale à cette manipulation génétique qui deviendra de la prévention génique. Ce sera avant le milieu du 21ème siècle.
Lutter contre la consanguinité et l’appauvrissement génétique peut également devenir un argument de la manipulation génétique.
Ainsi, l’évaluation du nombre de personnes de profil génétique différent devant participer à une expatriation spatiale pour conserver une lignée saine de reproduction a déjà fait l’objet de calculs. Ils montrent que cette arche de Noé interstellaire devrait comporter plusieurs milliers de personnes.
La création artificielle d’un être vivant n’est plus un tabou pour bon nombre de généticiens. Craig Venter serait le premier à avoir créé (2008) une cellule vivante dotée d’un génome synthétique.
Actualisation 2020 : Un pas a été franchi avec la création d’un génome synthétique capable de s’autorépliquer mais qui n’est pas encapsidé. On notera que le terme scientifique qui se généralise est « encapsulation », concept qui correspond à celui d’involution claustratique proposée en 2015.
La création artificielle du vivant n’est pas sans poser un problème éthique de responsabilité sociétale. Elle indique cependant le vivant de demain sera de moins en moins naturel.
2 -ème partie : L’homo Sapiens et sa spécificité 57
Dans l’évolution du vivant, il est une singularité qui mérite une attention particulière « l’Homo Sapiens » qui est celui que je vois dans mon miroir.
Qu’est-ce que l’espèce « Homo » ? Elle se caractérise par une évolution qui semble dépasser tout ce qui existait auparavant même s’il a fallu du temps pour que cette évolution particulière se confirme par rapport aux autres espèces vivantes. Comment la caractériser ?
L’utilisation d’outils, est-il un marqueur de l’évolution de l’espèce homo ?
Ce qui apparaît en premier c’est la capacité de l’homme à utiliser un outil pour répondre à un objectif. Cela relève aussi du comportement de certains animaux comme les singes ou les oiseaux. Pour casser la coquille d’un mollusque, d’une noix d’un œuf par exemple, ils vont utiliser une pierre. Toutefois, l’animal ne semble pas garder son outil après utilisation et en faire sa propriété qu’il conservera jalousement. De même, l’animal ne fabrique pas son outil, il le choisit même s’il peut le façonner au dernier moment.
L’homo habilis (une espèce éteinte il y a plus d’un million d’années) est considéré comme le premier homme à fabriquer des outils dont des outils de pierre. Il peut être le résultat d’une évolution naturelle des hominidés. Il semble également que la position debout soit une évolution anatomique apparu au cours de cette période (homo erectus).
Une autre évolution anatomique, il y a environ 1 million d’années est celle de la taille et de la configuration du cerveau. Elle pourrait (c’est encore une simple hypothèse) être dû à la domestication du feu (400000 ans) et à l’amélioration du régime alimentaire. La modification du volume du cerveau et par suite du nombre de neurones (ou de connexions entre eux pour certains) serait survenu à cette époque. Ce serait donc une évolution naturelle qui a conduit à un comportement que l’on pourra qualifier d’humain.
Toutefois, le passage du comportement animal au comportement humain semble le fait de l’homme de Néandertal puis Sapiens. Elle est rapide à l’échelle de l’histoire du vivant. Quelques centaines de milliers d’année.
La discussion reste ouverte sur cette évolution et les caractéristiques de l’homme de Néandertal. Doit-on considérer l’outil fabriqué (2 millions d’année), le rite funéraire (100000 ans) ou l’art pariétal (50000 ans) comme la manifestation de ce passage vers notre condition humaine.
A quelle moment de l’humanité peut-on dire que l’Homo Sapiens devient l’espèce Homo que nous connaissons aujourd’hui ?
Aussi intéressante que soit la question, le comment est la question que nous développerons dans cet essai.
Curieusement c’est une partie d’un sous ensemble encapsulé, une partie du cerveau, le lobe frontal, qui apporte cette révolution. Les neurosciences progressent rapidement. Je dois donc rester modeste mais c’est une occupation intéressante d’anticiper ce qui pourrait être découvert.
Parenthèse : Je ne suis pas un expert et j’ai un dilemme : la progression des publications scientifiques (numériques et imprimées) explose. Cela devient de plus en plus un souci car cette situation met en lumière un paradoxe. Soit, je consacre tout mon temps à lire ce qu’écrivent les experts et chercheurs dans les revues, soit je suis le fil de ma pensée et j’écris avec mon bagage intellectuel. Si je choisis la première solution, je n’ai pas le temps d’écrire un texte à la hauteur des experts, la deuxième, je ne profite pas des évolutions scientifiques et mon texte sera celui d’un piètre amateur. Et pour avoir une pensée riche, il est important de connaître les champs de recherche qui sont souvent nécessaires pour progresser. Je peux bien évidemment prendre mon temps mais les autres ont déjà un acquis et vont pouvoir faire des propositions scientifiquement prouvées avant moi. La numérisation a été un progrès exceptionnel notamment par l’accès libre à des articles de revues, des thèses ou encore des tutoriels. Il faut encourager et systématiser cette pratique. Moi aujourd’hui, je n’ai qu’Internet à ma disposition et il va falloir que je m’en contente. La situation est stimulante. Puis-je avoir un raisonnement qui me dispense de toute lecture spécialisée. Revenons à notre sujet. Fin de la parenthèse.
On peine à comprendre le comment et le point de départ de cette évolution du vivant. L’apparition d’une nouvelle faculté de maîtrise de l’environnement se définit avec l’apparition de l’Homo Sapiens. Il est encore difficile de dater avec précision la période de divergence avec les primates évolués. On date difficilement la date de la première sépulture (100000 ans) qui marque semble-t-il l’expression d’un sentiment individuel, familial et/ou communautaire. De même, on date difficilement la période à laquelle l’homme a appliqué sa main sur la paroi d’une grotte pour en pocher la forme pour la première fois. C’était il y a moins de 30000 ans. Une période qui marque une prise de conscience du moi et une distanciation importante avec le vécu immédiat. Cette capacité cognitive s’est accompagnée d’un art figuratif spécifique à l’espèce humaine, l’art pariétal.
Premier postulat : le culte des morts marque le premier éveil de la conscience existentielle qui caractérise l’Homo Sapiens.
C’était, il y a environ 100000 ans. La tombe volontaire assorti d’un placement est un marqueur de l’épopée humaine. Est-il plus un signe de passage d’une sépulture à un rite funéraire et au culte des ancêtres, ou un rite de passage de la destinée dans l’au-delà ? Intuitivement, cette pratique nous semble également signifier une première angoisse existentielle qui va accompagner l’Homo Sapiens depuis cette époque. Elle vient s’ajouter au sentiment familial et /ou communautaire.
L’angoisse existentielle, c’est la prise de conscience que l’individu se situe temporairement dans un espace et une temporalité qu’il ne domine pas. Cette prise de conscience s’accompagne d’un ressenti émotionnel, un vertige, une peur qui influence le comportement rationnel. Pour les psychologues, c’est une perte de repères, une perte du sens de la vie et de son but sur terre.
Quel que soit l’angle de vision, l’angoisse existentielle a pour conséquence une réponse chez le Sapiens soit pour gérer celle-ci collectivement, soit pour sombrer dans la dépression et la folie. Le Sapiens a besoin plus ou moins intense d’une vie communautaire pour vivre. Ce besoin s’est exprimé dès qu’il a acquis une conscience de son moi. Cette conscience n’est pas intelligence.
L’angoisse existentielle est une propriété spécifique à l’homo Sapiens.
A partir du moment où le Sapiens prend conscience du moi, c’est un gouffre d’incertitudes qui s’ouvre à l’homme et une volonté de combler ce vide.
Ainsi la main sur la paroi de la grotte est l’externalisation d’un phénomène qui relie l’acte (je projette une main sur la paroi) et sa lecture (c’est ma main). Cette relation est une première pierre de la conscience existentielle, celle d’une intériorisation de la main dans le cerveau.
Cela fera que la main n’est plus nécessaire (dans le vécu immédiat) mais deviendra une image qui pourra se stocker et se projeter sur un écran interne de la mémoire du Sapiens. Cette main est rassurante car elle externalise le « moi » et angoissante justement parce qu’elle externalise le moi. Elle projette la conscience humaine dans l’espace et le temps.
Deuxième postulat : la main négative ou positive sur la paroi de la caverne signe le premier processus de différenciation entre la l’animal et celle de l’homo Sapiens.
Elle est un marqueur phénoménologique existentiel. Elle est une projection de son « moi » avant d’être un possible signe de communication.
Instinctive ou non, cette main négative sur une paroi, est l’expression d’un nouveau processus cérébral stable. C’est une production signifiante qui sera stockée comme une image (un ensemble de pixels mémoriels). Ce sac pixellaire mémoriel propre à l’Homo Sapiens appartient à son système cérébral quelque part dans les 1500 cm3 de son volume.
De la main au signe. L’externalisation de mon « moi » ?
Le dessin de la main n’est pas une intentionnalité première mais le résultat d’un besoin. Ce besoin, c’est la naissance de la conscience qui tourmente (une souffrance au sens électro physico-chimique) le cerveau humain dans son besoin d’organiser les relations qu’il a avec ses pulsions, ses perceptions et ses rêves, un besoin d’ordre qui lui manque.
La capacité de chacun à assumer cet état instable va conduire à se cacher les yeux pour ne pas voir et se mordre la langue de peur ou alors à accepter son asservissement aux esprits imaginaires. C’est un repli salutaire pour calmer sa peur. Certains iront jusqu’au sacrifice animal et humain pour calmer la colère des esprits.
La main devient projection du moi et symbole miroir de son existence. Cette première étape change fondamentalement la vision de l’homme sur le monde. Une fois la main acquise comme une preuve existentielle, il peut alors se consacrer au désir (au vouloir) de s’approprier le monde extérieur. La main deviendra un symbole universel (comme la Hamsa) bien avant le monothéisme. Elle a de nombreuses significations (pouvoir, puissance, autorité royale, autorité spirituelle…).
Le dessin animal devient également la première représentation du monde extérieur en raison de sa proximité et de sa relation de menace et de partage des lieux avec le Sapiens.
Imaginez que vous êtes dans votre grotte et que votre survie dépend de votre capacité à tuer cet animal dangereux mais qui est aussi celui qui vous nourrit, vous procure vos outils, vous permet de garder votre corps au chaud, de produire des sons (instruments musicaux), de vous soigner l’âme et le corps, de faire vos sacrifices à vos génies en cas d’angoisse existentielle.
Si la main de l’homme projetée sur la paroi de la caverne, marque un tournant. C’est parce que l’homme nouveau, à ce moment là, intègre son environnement dans son histoire passée et présente mais pas encore future. Il va vivre dans un déséquilibre entre ce qu’il croit comprendre du passé et ce qu’il ne peut comprendre de l’avenir.
Pendant très longtemps l’homme vit sous la contrainte de la nature pour survivre – se nourrir, se protéger du froid, - de ses ennemis. Sa vision du futur reste limitée à celle de son espèce et de ses proches. L’immédiateté est la règle. Il commence à prendre en compte le futur avec le lever et le coucher des astres et avec la saisonnalité.
La capacité à intégrer l’écoulement du temps (passé vers futur) dans son champ de conscience est probablement la clé d’un changement progressif. Si dans le même temps, il prend conscience de son existence (opposition du moi aux autres), il entre dans un comportement moderne qui crée un lien entre l’aspect rationnel et émotionnel.
Est-ce que j’existe parce que j’ai conscience de l’écoulement du temps avant la vie et après la mort ou l’inverse ? Le doute de Descartes, le mal être de Sartre sont d’actualité autour du feu de camp dans la grotte qui réunit le chamane et sa communauté. L’humain trouve l’apaisement entre le discours incantatoire et la ritualisation en groupe. Le monde sans réponse à un « qui suis-je ? » devient intolérable lorsque la pression pour survivre me laisse du temps disponible pour penser.
La conceptualisation primaire : C’est celle de la main que l’on regarde sur une paroi, c’est aussi celle du temps que l’on fige et que l’on peut voir à nouveau en se disant que cette main non seulement elle existe mais elle est à la fois le passé, le présent et le futur. La capture du temps n’est pas perçue comme une comme une perception du passé mais comme « la flèche du temps », ce qu’un animal ne peut pas faire. Cette perception de la dimension temps est liée à la conceptualisation primaire qui n’est pas intérieur mais résulte d’un échange avec l’environnement (même si c’est ma propre perception qui a construit celle-ci).
Dans ce cadre, on sait que le cerveau travaille la nuit, produit des images et des liaisons de toute nature avec le corps et ses organes. Le rêve n’est pas propre à l’homme. Cependant, on ne sait pas actuellement si l’animal simplement projette des images stockées de manière émotionnelle et/ou combine ces images et transforme ces acquis.
Le triptyque gagnant : Depuis que l’Homo Sapiens s’est rendu compte qu’il pouvait avoir « une conscience » de son environnement, la quasi-totalité des interrogations a porté sur cette inconnue qu’il a bien fallu appeler de différents noms tels que « psyché », conscience volontaire, boîte noire, … Au fil du temps, le passé, le présent et le futur se sont imposés comme des éléments à combiner. Bien qu’ils soient seulement au nombre de trois, ils ont alimenté de nombreuses hypothèses sur le sens des interactions et des dynamiques sous-jacentes.
Personne ne remet en cause cette trilogie Passé, Présent et Futur. Non parce qu’elle existe réellement car elle peut être simplement le résultat d’une apparence, d’un échange entre observateur et observé mais parce qu’elle est pratique pour communiquer avec un vocabulaire qui repose sur un même univers commun lié à la « flèche du temps ».
L’animal n’a pas cette conceptualisation du temps mais la dimension temps n’est pas absente de son système biologique ; il peut enterrer ses os en prévision d’un manque. Le rat, l’écureuil, font des provisions pour l’hiver et bien d’autres animaux (mais pas la fourmi du célèbre écrivain La Fontaine car la fourmi hiberne comme d’autres animaux). Il y a donc probablement dans le catalogue génétique, un système qui conduit à ces actions sans pour autant qu’il y ait « conceptualisation ».
Troisième postulat : la conceptualisation et l’abstraction sont un processus d’idéation cérébrale, de conservation et de virtualisation de ce construit.
L’homme moderne possède les mêmes fonctions sensorielles de base que les autres primates. Le test du miroir (il permet d’estimer la perception de soi) lui est plus spécifique même s’il est partagé par quelques autres espèces.
Où se fait alors différence ? Une première piste est la capacité de conceptualisation au-delà du vécu immédiat, un deuxième est celle de l’abstraction. On pourrait dire qu’une expression génétique particulière a conduit au développement d’un organe fonction spécifique propre au Sapiens. La taille du cerveau est l’un des critères de différenciation. Mais cela ne suffit pas à qualifier cette différence. Il nous faut donc aborder la question sous un angle phénoménologique propre à cet organe fonction.
La mémoire – capacité à se souvenir du passé (garder et extraire) – joue un rôle et l’on commence à découvrir quelques processus physico chimiques explicatifs de la mémoire à court terme, le processus de stockage dans la mémoire à long terme, l’activation circonstanciel de souvenirs -images et leur reconfiguration.
La différence entre l’Homo Sapiens et l’animal peut s’expliquer pour partie par la taille du cerveau et par une spécialisation différente des zones.
Ce qui est imaginable, c’est l’existence d’un double circuit dont l’un est un système référent qui construit un système de mémoires l’une passive et l’autre dynamique auquel s’ajoute un système de mémoire créative, plus développé chez le Sapiens. Cette dernière anticipe et projette l’action dans le futur. Ce schéma reste spéculatif.
Le mot mémoire n’est pas satisfaisant car il en existe de plusieurs types. Au minimum, il doit être entendu comme une capacité à stocker des éléments de représentation en attente d’utilisation (mémoire de long terme) ou en utilisation créatrice (mémoire active qui peut déboucher sur une action ou un projet transféré dans la mémoire à court terme).
Notre cerveau est capable de confrontation par une lecture flottante à plusieurs niveaux d’entrées permettant de faire un lien entre passé, présent et futur. On commence à visualiser les millions de fils neuronaux mais on progresse peu dans la compréhension de l’activité qui relie tous ces fils. Il est probable que le cerveau tout entier fonctionne en permanence avec des niveaux variables d’activité.
Le cerveau posséderait une neuroprotection active minimale au-delà de l’électroencéphalogramme plat observé dans le coma profond. Cela peut-il signifier qu’il y ait un mécanisme spécifique conservatoire ? Pourrait-il avoir un autre rôle dans le processus de dissociation présent -passé ?
Comprendre comment on peut dissocier le présent et le passé est une première base de travail. Comprendre comment transformer le passé en un futur au présent est sans doute plus difficile. Cela n’est plus de la mémoire qui stocke le présent mais un stock que l’on peut manipuler pour créer un nouveau futur que l’on peut analyser à volonté au présent. Pour que cela fonctionne, il faut un minimum de trois fonctionnalités, la mémorisation (stockage et extraction), la conceptualisation (capacité cognitive) et le traitement analytique (capacité d’abstraction combinatoire).
De l’imaginaire à la conceptualisation.
Pour arriver à comprendre la différence entre l’homme et l’animal il faut distinguer de ce qui relève d’une évolution progressive du primate vers l’espèce Homo et de ce qui relève d’un saut structurel vers le Sapiens.
En fait, le développement humain s’est réalisé à la fois par une double évolution progressive. Il y a une première évolution que l’on peut qualifier de lignée animale intégrant les premiers hominidés et une autre après le saut structurel vers le Sapiens résultat d’une possible mutation génétique organique. Cette seconde évolution est marquée par une maîtrise nouvelle de la communication interhumaine. Celle-ci dépasse l’apprentissage par imitation et permet un échange créatif qui développe les capacités cognitives de chaque individu.
Il n’est pas absurde de penser (c’est une hypothèse généralement acceptée) qu’il y avait des hominidés au stade animal qui n’ont pas évolué et qui ont finalement disparu dans l’incapacité de s’adapter et d’autres qui se sont génétiquement croisés avec d’autres hominidés.
La lignée actuelle dite Homo Sapiens, ou homme moderne, semble résulter d’une mutation génétique particulière. On peine encore à la déterminer dans le temps, dans sa localisation génomique et en amplitude. Elle pourrait être également la perte d’activation de certains gènes ou une combinaison comprenant pertes et mutations.
C’est le contexte environnemental et social qui conditionnera la vitesse d’évolution de la sous espèce d’hominidés Sapiens. Cette évolution se fera plus ou moins vite suivant que le groupe social est limité et isolé ou qu’il est large et interactif. Il peut ainsi aboutir à former une société très élaborée (une civilisation) au fur et à mesure que le groupe grandit.
Ce qui est donc important à déterminer c’est le phénomène qui s’est produit à la fois biologique et également l’évènement systémique qui mène à la « conscience » du moi dans l’espace-temps. La conscience du moi est par définition aussi la conscience des autres, car elle ne peut se définir sans échange systémique avec l’autre. Nous choisissons le mot espace-temps pour indiquer que cette propriété de l’esprit humain semble s’inscrire dans une dimension particulière qui donne une place importante à la temporalité.
Il nous faut à ce stade préciser notre choix conceptuel pour comprendre la suite de notre proposition. La virtualisation cérébrale, c’est la capacité potentielle à traiter (sélectionner, arranger, hiérarchiser, combiner) l’ensemble des relations sensibles et construites intériorisées avec leurs représentations qu’il s’agisse d’images ou d’autres formes conventionnelles. Le processus cérébral a été considéré comme une « boite noire » décrite uniquement par des interactions, entrées et sorties.
Heureusement, elle n’est plus tout à fait noire grâce aux neurosciences et elle n’est pas seulement qu’une boîte car il existerait une activité extra organique du cerveau en liaison avec des implantations neuronales dans d’autres organes. 66
Cependant, il est encore difficile de qualifier toute la différence du processus cérébral entre le Sapiens et l’animal.
Comment fonctionne la virtualisation cérébrale ? Peut-il y avoir une conscience avec une mémoire orale ? Peut-il y avoir une conscience sans mémoire visuelle. ? La réponse n’est pas évidente.
L’avantage de partir d’une boîte noire, c’est ne poser aucune contrainte. On va partir sur la base d’une mutation génétique imaginaire (c’est facile) qui aurait abouti à donner au cerveau et à ses organes associés une capacité de virtualisation dynamique comprenant :
Un système d’enregistrement et de conservation dans le temps qui se situe à l’intérieur du vivant.
Un système d’extraction des enregistrements partant des différentes mémoires.
Un système de virtualisation permettant de créer des images multiples (l’écrit étant sous forme d’image). Elles peuvent former des représentations nouvelles construites par combinaison, réduction, extension, inversion.
Une force qui permet de maîtriser l’écoulement du temps pour conserver les représentions en arrière plan.
Actuellement, les types de mémoire (cinq, sept ou plus) font l’objet d’une littérature abondante. Elles sont décrites à travers ce qu’elles permettent mais pas encore dans leur mode de fonctionnement physio biologique. On se limite à une topographie qui localise des zones. Ce sui nous paraît plus important, c’est de découvrir comment se réalise la maîtrise l’enregistrement du temps par un jeu de différenciation des mémoires.
Quid de la conceptualisation ? Dans mon annonce de ce blog, j’ai écrit « essayiste » alors cela justifie le présent propos.
Le problème des mots est important pour décrire une émergence d’un concept qui existe avant que l’on puisse le signifier par des mots.
On part de l’hypothèse que le concept est une structure résiliente qui se construit en plusieurs phases.
Etape 1 une phase d’inception - qui se connecte à la structure d’expression et de consolidation mémorielle. Un troupeau de bisons est d’abord un incept. Il a été mémorisé dans ses caractéristiques d’animal spécifique, de nombre multiple et de vivre ensemble. Le lien qui ne s’est pas formé est purement celui d’un assemblage.
« Ce guerrier est valeureux, il a du courage ». Le « courage de l’autre » est une perception et une interprétation qui associe une personne et un ensemble d’actes qui donneront un construit conservé comme tel.
Le courage n’existait pas physiologiquement dans le cerveau du Sapiens. C’est un incept qui s’est construit collectivement de manière imparfaite. Collectivement car il résulte d’une communication interhumaine (peut être au cours des longues soirées au coin du feu) et de manière imparfaite parce que ce qu’il signifie est difficile à vocabulariser.
On peut imaginer qu’il y ait de nombreux incepts du même type qui font l’objet d’un vocabulaire propre à un groupe.
Etape 2 une phase d’encryption – C’est une phase d’encodage qui va établir l’utilisation de mots, de sons et d’expressions entre communicants. Le signifiant s’impose avant de pouvoir être exprimé comme un signifié partagé. Il le deviendra seulement progressivement par l’usage puis par la dictionnarisation.
Par la suite l’ensemble pourra être modifié en fonction de l’interaction systémique et répétitive avec l’existant. Plus il y a répétition et plus il y a typicité, plus il y a consolidation et résilience à l’effacement dans la mémoire. Le conte dans ces différentes formes a participé à cette encryption et à sa consolidation dès le début de l’ère du Sapiens. C’est ce qui a permis à la tradition orale de franchir les siècles.
Le support organique qui permet ce processus est propre à l’homo Sapiens semble se développer à partir de l’âge de 3-7 ans chez l’enfant ce qui ne se produit pas chez l’animal.
L’encryption va conduire au concept lorsqu’un besoin de réponse est introduit. Le besoin de réponse est activé par l’émotion, la peur, le plaisir, …. Le concept rationalise la réponse, la réduit à une abstraction et la catégorise avec ses caractéristiques (un qualificatif, un verbe, …). Elle fait en sorte qu’il y ait une réponse durable. La mémoire entre en jeu. Elle permet d’anticiper un comportement. La mémoire, c’est un système global au même titre que les autres systèmes du vivant.
Comment fonctionne la mémoire ? on peut imaginer différents processus comme celui là. Il n’est pas plus absurde qu’un autre.
La mémoire ce sont des bulles, vésicules, sacs de stockage qui suivent un processus d’accumulation progressive. Dans les sacs des briques de mémoire dont la composition reste à définir (cluster de protéines, agrégation subatomique doté de propriétés électro magnétiques, …).
Le processus d’activation de la mémoire se produit par un réchauffement ou une impulsion qui produit une agitation des briques. Un capteur de recherche va permettre de cloner les briques originelles sans les détruire et les transmettre. Le processus prend fin et le sac mémoriel est reprogrammé en mémoire immédiate avant de retourner dans les abimes de la mémoire. Le capteur de recherche peut fonctionner comme un attracteur physico chimique ou autre si l’on admet que chaque brique de mémoire a été codée.
On peut également imaginer qu’il y a un mécanisme de circulation, profondeur vers émergence et réciproquement, comme pour les démangeaisons qui reviennent régulièrement. Les cycles chronobiologiques d’activation de la mémoire sont probablement nécessaires au maintien néguentropique du système.
Pour la mémoire primaire, on peut imaginer des grappes de sac qui s’allongent autour d’un fil transmetteur. On peut également imaginer que le capteur de recherche est un flux de captation d’intensité variable qui va chercher l’information dans les sacs.
Revenons à la réalité. Les neurosciences devraient rapidement permettre de connaître les éléments du système mémoriel. C’est plus maintenant une question d’outils que d’imagination.
Le processus d’encryption s’exprime via des symboles figuratifs ou autres. L’abstraction donne lieu à des symboles qui pourront être reconnus par d’autres à travers des objets rituels ou dessins. Cela aboutira à l’écriture. Le rite participera à l’objectivation du concept. La couronne royale, le bouclier, l’écharpe, le totem sont des symboles qui objectivent le concept de royauté, de chef de clan, d’esprit supérieur, de territoire, de communauté.
La parure est un concept qui accompagne le Sapiens. Ce concept associe l’objet rite (le signifié) et le symbole (le signifiant). Il s’objective par une mosaïque sur le mur ou un collier de pierres. Il peut avoir plusieurs fonctions dans les sociétés primitives comme dans les sociétés contemporaines : rang social, séduction, porte chance, protection contre le mauvais sort, garde valeur, … .
L’objet rite est donc l’alpha de l’inception que l’on stocke dans un sac à mémoire que se range et peut s’activer. Il devient objet symbole lorsqu’il se charge d’un signifiant. Plusieurs objets symboles vont s’associer pour produire un concept d’autant plus abstrait que l’objet rite devient une partie secondaire.
Le concept se forme également par combinaison de concepts primaires. Il peut ainsi devenir de plus en plus abstrait. Le concept de dissuasion nucléaire repose sur un calcul rationnel de deux ou plusieurs parties en conflit qui s’ils se déclenchait aboutirait à la destruction massive des parties prenantes par des armes nucléaires d’une puissance extrême. Bien qu’il soit très élaboré, il repose à la base sur un objet rite, l’arme défensive.
La conceptualisation précède leur expression par des mots. La main sur le rocher, il y a 100000 ans, a précédé l’écriture, il y a 5000 ans. Cela fait long. La main n‘est pas un signe qui marque le début de l’écriture. L’écriture est un construit très progressif et utilitaire.
La signalisation peut être une forme primitive d’écriture qui permet de signifier en l’absence de son auteur son existence dans l’espace et le temps. L’animal utilise souvent l’odeur qu’il dépose sous une forme diverse (l’urine, la crotte, …) comme source de marquage territorial.
L’invention de l’écriture est une construction volontaire qui utilise des signes figuratifs et des symboles. Elle a permis à l’espèce humaine d’évoluer, d’échanger, de figer dans le temps des messages. Elle va également permettre de pérenniser ses savoirs, de les partager. Le Sapiens peut ainsi maîtriser de plus en plus rapidement son environnement à son profit. Plus le partage est ample, plus on favorise la naissance de civilisations.
On connaît beaucoup mieux l’évolution de l’homo Sapiens depuis que sont apparues les premières écritures.
La genèse de L’écriture.
Il n’y a pas d’écriture sans langage oral c’est-à-dire sans une prononciation de sons signifiants.
Le rôle du langage oral dans l’évolution du Sapiens nous paraît plus orienté d’abord vers une capacité collaborative entre humains. En pouvant émettre une grande diversité de sons il se formera un vocabulaire de base qui sera spécifique à chaque communauté. Le langage par signe ouvrira l’échange entre communautés qui se rencontrent. Le langage aura également un rôle de mémoire collective bien avant l’écriture. L’invention de l’écriture permettra au langage d’évoluer et d’acquérir des fonctionnalités nouvelles. On connaît des « dialectes animaux » identifiés, par exemple, chez les cétacés ou les rats glabres, Ils semblent associés à un apprentissage communautaire. Comme chez les humains, les dialectes peuvent varier en fonction des groupes communautaires.
Le langage oral est aussi un mode de transmission inter générationnel qui précède l’écriture. Les contes de fée précèdent l’écriture comme de nombreuses légendes. Ainsi la belle et la bête aurait une origine qui remonte à plus de 4000 ans. Le diable et la mort sous toutes ses formes sont également présentes dans la tradition orale depuis que le Sapiens existe. C’est une forme de culture ancienne qui a la propriété d’être présente dans les premiers groupes humains.
Le système de l’écriture (6000 ans selon les connaissances actuelles) commence par des images, alors que les légendes se transmettent de génération en générations par des chansons, des poèmes ou des contes quelque soit la culture. On chante l’origine du monde, on la fige dans la pierre ou dans la terre. La langue orale évolue mais la représentation est la même. Elle peut prendre une forme stylisée comme est interprété le vase retrouvé avant l’ère des pharaons. Mais cela suppose alors que l’on puisse transmettre la compréhension du dessin stylisé, son signifié. Par exemple, les pictogrammes harappéens de la vallée de l’Indus n’ont pas encore été déchiffrés.
Le pictogramme dans la comptabilité est utilisé pour le commerce avec des chiffres primitifs. Le pictogramme se prononce avec un son. Il y a donc la possibilité de représenter un son par le pictogramme d’un objet. On peut ainsi utiliser la combinaison des sons pour signifier quelque chose. C’est le principe du rébus. Un même signe avec un son identique ou proche peut être confusant d’où l’idée d’ajouter un déterminant ou un classificateur.
Le sens de l’écriture est variable gauche droite – droite gauche – haut bas… Elle traduit le fait qu’elle se développe dans des territoires différents. Ce système d’écriture s’est répandu de groupe en groupe avant l’invention de l’alphabet (en 150 avant l’ère commune).
L’invention de l’alphabet est postérieure. Elle permet de réduire le nombre de signes. Si quelques centaines de signes graphiques suffisent pour une histoire simple, il en faut plusieurs milliers pour élaborer un récit riche en rebondissements.
L’alphabet va drastiquement réduire à une trentaine de signes la communication graphique. Ce sont des sons et l’association de sons en bloc permet de faire des mots. C’est à la fois un progrès mais également la source d’un nouveau besoin, celui d’apprendre à prononcer le signe et le mot alors que le pictogramme original peut directement se prononcer dans la langue de celui qui voit le signe. Mais il était devenu difficile de se rappeler tous les pictogrammes et même un scribe y perdait son pictogramme.
L’alphabet va se déformer et l’image du taureau deviendra un A dans l’alphabet romain, le signe de l’eau devient M., la tête devient R, etc… En écrivant, on a besoin de relier les lettres et de séparer les mots puis les phrases.
L’écriture est liée à un autre besoin, celui d’un partage car au-delà du pictogramme, il faut pouvoir produire le son, connaître le classificateur et puis si l’on veut conserver et faire savoir, il faut un support de conservation et pouvoir le transporter. Il faut également que l’écriture se fasse rapidement.
Par la suite, on observe la relation entre éducation, art et la diffusion de textes jusqu’à l’invention de l’imprimerie. Les premiers pictogrammes semblent être seulement associés à un rituel d’accompagnement de la vie de morts (pharaons pour les Égyptiens). Cela signifie que la transmission écrite (difficile si l’on doit graver la pierre) et le partage de cet écrit n’apparaît pas comme une nécessité première.
Cela semble également tout au long du moyen-âge où le parchemin (un savoir faire réservé et une production limitée) se substitue au papyrus. Seule la bible semble digne d’intérêt comme support de diffusion de la pensée (religieuse bien évidemment). Cela à l’exception de la prérogative de l’administration royale pour administrer le royaume ou signer des traités et de quelques notables dans le commerce. La culture ne se diffuse plus durant cette période tout comme la période qui a précédé l’invention de l’écriture. On comprend alors que la culture était l’affaire d’une petite communauté détenteur d’un savoir hérité de l’antiquité (les jésuites en particulier).
Avant l’écriture, les groupements humains avaient leur propre langue et leur communication s’accordait sur le son en rapport avec des signes et des objets. C’est la communication orale qui soudait les groupes. On peut supposer que le groupe inventait des mots et qu’il déformait les mots d’origine. Cela aboutissait à un patois local.
On peut supposer qu’il n’était pas possible d’écrire (difficile d’emporter les pierres) durant la période nomade où la chasse et la cueillette dominait et qu’il n’était pas nécessaire d’écrire durant la période de sédentarisation car la transmission du savoir était essentiellement manuelle en dehors des réunions rituelles ou d’administration. La sédentarisation se situe à la période néolithique et coïnciderait l’invention de l’écriture seulement quelques centaines d’années avant l’époque des pharaons.
Par ailleurs avant cette période, le développement de la langue ne devait pas être complexe et un millier de mots était suffisant. Dans les rencontres entre groupes de patois différents, l’accès la langue orale par le traducteur ne devait pas être un obstacle.
Comment expliquez que durant la période nomade, l’écriture ne se développe pas, ne serait-ce que pour transmettre les légendes et les contes ? Est-ce par ce que le concept de culture n’était pas né ? Alors pourquoi ce concept est-il né avec la civilisation grecque ou de la même époque ? Est-ce un détournement de l’invention de l’alphabet qui était d’abord pragmatique ? Avant la civilisation grecque, la civilisation de la vallée de l’Indus semble également une période de développement important mais il n’est pas fait état d’un développement important de l’écriture. Pourquoi ? l’absence de support est-elle l’explication ?
Aujourd’hui on observe à la fois la réinvention des pictogrammes universels comme les pictogrammes émotionnels que sont les émoji d’origine japonaise ou les pictogrammes utiles comme les signaux routiers. Il apparaît difficile de transmettre un concept à travers le pictogramme.
Transmettre un concept nécessite une combinaison de plusieurs sous concepts qui réunissent de nombreux idées et mots descriptifs d’un objet, d’une action, d’un sentiment. Si la langue orale permet la création du concept, elle en rend difficile la transmission car il faudrait beaucoup de mots or la lecture est lente. Le concept de gastronomie est simple mais il faut une périphrase pour l’expliquer comme « l’art de créer un moment de plaisir des sens du goût et de la vue par la présentation et la confection d’un repas composé de mets et boissons ». C’est donc un agrégat mémoriel qui combine des classes d’objet (mets, boissons, …), des perceptions (l’odorat, le goût, la vue.), des actions (préparer, confectionner, manger plusieurs plats (repas), etc. Le mot repas lui-même est un agrégat de significations.
Pour certains, le concept est une idée abstraite que l’on exprime verbalement. Par exemple la vérité est un concept. C’est également un agrégat mémoriel qui combine toute proposition exprimée que l’on définit comme conforme à la réalité ce qui suppose de définir ce qu’est la conformité et la réalité. Là encore le langage est nécessaire pour préciser ce que l’on considère comme conformité et réalité.
On peut imaginer que l’écriture alphabétique va permettre une explosion de mots et de concepts qui vont s’affiner pour créer une cohérence linguistique de signifiants et de signifiés.
Ce que l’on constate, c’est que le langage oral comme écrit suit la mondialisation, un espace territorial qui couvre l’ensemble du monde. L’adoption de l’alphabet-son s’étend ; l’anglais dans une forme grammaticale simplifiée s’étend ; les symboles mathématiques progressent vers une définition commune.
Quelque 5000 ans plus tard, l’intelligence artificielle (IA), vient s’ajouter à l’écriture comme facteur d’évolution. ; c’est la capacité à une communication plus riche et à reculer la barrière de la grammaire, de l’orthographe et des langues étrangères. Les traducteurs automatiques sur des téléphones portables permettent déjà des échanges entre plusieurs personnes qui n’ont pas les mêmes langues naturelles d’origine.
L’IA accélère le savoir. Elle raccourcit le temps d’accès au champ de connaissance. Le moteur de recherche va modifier en profondeur le système éducatif. C’est une nouvelle étape du Sapiens qui s’annonce. Le professeur de lettres a succédé à l’ancêtre, l’outil numérique va succéder au professeur. 74
Si l’écriture vient radicalement modifier l’évolution du Sapiens, il est également important de souligner combien l’échange s’est imposé dans la relation entre hommes modernes. Tout comme l’écriture a structuré l’histoire de l’humain, l’échange a conduit au dénombrement et au commerce. On admet qu’il a une économie comportementale chez les primates qui est une forme primitive du don et de l’échange. Ce qui nous paraît important chez le Sapiens, c’est une capacité au dénombrement. On peut décrire le comportement d’échange comme la conscience d’un troc dans l’intérêt des parties. On sait que de tels échanges conduisent à la notion de monnaie d’échange et plus généralement au commerce comme l’une des gouvernes de l’évolution humaine. Mais comment expliquer la capacité de dénombrement ? c’est-à-dire à reconnaitre et conceptualiser une collection d’items afin de lui attribuer un signifiant.
Elle serait une capacité organique d’un coin du cerveau et se développerait être 3 et 7 ans.
C’est une spécificité universelle du Sapiens. Même sans dénommer ce que les scientifiques appellent le cardinal, le nombre qui qualifie l’ensemble d’items, Il va permettre une relation compréhensive de l’échange élaborée contrairement à l’animal.
L’enfant que j’étais comptait ses billes à la fin de la journée. Celles que j’avais gagné et celles que j’avais perdu. Et si j’avais plus de billes, je pouvais alors échanger deux billes contre un calot. C’était une amorce de troc. Mais pour pouvoir jouer avec les copains, je pouvais également acheter des billes si j’en avais trop perdu. J’utilisais alors les sous que ma mère m’avait donné.
Le troc n’a probablement pas précédé la monnaie car les deux processus relèvent des mêmes principes de développement organique.
Quatrième postulat : la capacité de dénombrement accompagne l’évolution du Sapiens dès son apparition sur terre.
Il est probable que cette capacité de dénombrement est antérieure à l’élaboration de l’écriture. Elle va conduire à une forme primitive de comptabilité qui se modernisera au cours des échanges commerciaux.
Associé à la conceptualisation et à l’abstraction, la capacité de dénombrement débouchera sur les développements mathématiques que l’on connaît. Le commerce et sa mondialisation n’aurait pas eu lieu sans cette capacité organique de l’Homo Sapiens.
Il faut cependant comprendre comment peuvent se former des mécanismes plus complexes et relier mon envie d’échanger mes 3 billes ou mes deux agates contre un calot à cette usine organique qu’est le cerveau. Pour cela, il faut traduire les mots que j’écris en langage biologique. Alors comment écrit-on en langage biologique « deux agates contre un calot, je suis d’accord ». On pense connaître la zone mais pas encore le processus électro biologique ou autre qui me dit que trois billes est égal à deux agates ou à un calot. Si je fais cette transaction, j’ai conscience de faire un échange équilibré. Avoir conscience, qu’est-ce que cela veut dire ?
La conscience, est-elle une simple facilité de langage pour exprimer la différence entre l’animal et l’homme ?
Ce mot revient souvent quand on se réfère au Sapiens et il est donc indispensable de clarifier ce concept.
La « conscience » c’est l’ouverture de la boîte de Pandore des définitions. Bien évidemment aucune ne peut convenir. La conscience a été défini comme un état. Mais dire que l’homme prend conscience nous fait entrer dans un débat métaphysique.
La réponse sera alors Aristotélicienne, Cartésienne, Kantienne ou Sartrienne. Il ne faut pas confondre la réponse philosophique métaphysique et la réponse anatomique et physiologique.
Ainsi pour Aristote, le cerveau n’était qu’un centre de régulation thermique. Pour plusieurs présocratiques, le cerveau était le siège des fonctions psychiques. D’autres penseurs situaient les fonctions psychiques ailleurs, dans le sang par exemple.
Ce qui nous intéresse, c’est d’imaginer ce qui se passe au niveau de l’évolution humaine. Si l’on admet le principe d’un jeu entre une interrogation vécue émotionnellement et un besoin de compréhension rationnelle, la réponse métaphysique pourra alors se situer dans la conception Aristotélicienne qui vise à dépasser le mon sensible pour trouver les causes premières et les causes des causes premières.
Mais on pourra également se situer au niveau de la réponse Sartrienne qui dramatise l’angoisse existentielle du moi. La réponse métaphysique apporté l’homme moderne peut se voir dans une réponse purement comportementaliste qui privilégie le rituel au raisonnement, dans le refuge de la religion qui substitue l’interrogation du vide existentielle à une invention abstraite de Dieu le père, ou encore dans une réponse positiviste de déni de l’interrogation.
L’angoisse existentielle peut également conduire à préférer un asservissement à l’ordre et à l’obéissance si cette dernière s’avère nourricière et protectrice.
La religion en créant un cadre collectif rassurant qui délègue au « créateur » ses propres angoisses existentielles va mettre de la distance avec ce gouffre qui donne le vertige. Le monastère offre un repli communautaire qui permet un apaisement psychologique. L’église, le lieu de culte, soulage cette angoisse.
Si on veut échapper au confort théologique, on bascule alors soit vers un relativisme difficile à supporter, une recherche du Nirvana (un mythe de Sisyphe à la manière bouddhiste), un épicurisme insatiable, ou un enfermement dans une philosophie comportementaliste du toujours plus actif qui se substitue à sa propre conscience. Le jeu, la passion, l’addiction en sont des exemples.
L’homo Sapiens a découvert cette angoisse existentielle et va l’exprimer avec la question de la mort et de sa signification. La faculté d’anticipation, de projection du passé dans l’avenir, de l’imaginaire avec ses monstres et ses peurs est associée au ressenti de cette angoisse, au besoin de croyance, mais aussi au suicide existentiel. Une question qui est posée par Albert Camus dans sa réflexion sur l’absurdité. Il y répond par la révolte, seule issue au non-sens de la vie.
Parenthèse : Albert Camus a bien posé le problème de la conscience dans ses romans. Lorsque la conscience s’éveille dans l’humanité, elle conduit à la soumission à des croyances puis à Dieu, à une vie platonique, ou à une vie de révolte absurde contre l’absurdité. C’est ce besoin de rationalisation, de mise en ordre du monde qui est comme une punition sans fin, un rocher de Sisyphe. C’est aussi la source de la différence entre l’animal et l’homme qui peut s’expliquer physiologiquement comme un Yin et Yang qui tourne sur lui-même pour atteindre un niveau supérieur de maîtrise des sens et des connaissances.
Ce que dit Camus n’est pas le résultat d’un dysfonctionnement mais la conséquence d’un système organique et d’une souffrance philosophique. Celle-ci remet en cause l’état stable du système organique en intégrant des données nouvelles qui le déséquilibre. L’homme court après son équilibre par divers moyens : l’apprentissage, l’expérimentation, l’habituation, la soumission, l’anticipation, l’amour et la haine. Cette recherche façonne à court et long terme la conscience humaine.
La conscience englobe de nombreux domaines comme la morale, la spiritualité, la représentation mentale, etc. Elle ne se limite pas à l’immédiat mais peut se former dans une projection sur le futur. Il y a un Etat de conscience toujours active avec plusieurs niveaux en éveil, en veille, endormi, indécelable ou bien qui s’emballe dans une suractivation où surgit une instabilité pouvant conduire au suicide.
Fin de la parenthèse.
La conscience a-t-elle un support physiologique ? oui, si l’on considère qu’elle est la manifestation d’un système qui relie la perception sensorielle, les circuits neuronaux, sympathiques et neurovégétatifs et les mémoires. Cela fait beaucoup mais la conscience n’est qu’une succession continue d’états susceptibles de déclencher des réponses diverses aussi bien psychologiques que physiologiques. La conscience peut transformer les éléments qui l’ont produit.
Lorsque le Sapiens réagit à un évènement, il peut être amené, s’il cherche à atteindre un objectif, à la question : comment ? et s’il veut créer un système de compréhension de son état de conscience, à la question pourquoi ?
C’est vers 7 ans que l’enfant donne un sens à son dessin et entre dans le domaine du comment et du pourquoi.
On peut toujours imaginer un processus biologique du comment et un processus biologique du pourquoi. Il semble logique de chercher le processus dans la combinaison électro-biochimique d’activation des circuits du cerveau et de ses organes associés. La clarification est proche et va se faire dans les prochaines années.
Conscience et intelligence. On a pu mettre en évidence l’existence d’une forme d’intelligence générale chez les animaux, c’est-à-dire une capacité à combiner des informations variées pour atteindre un but, Cela s’accompagne d’une habileté cognitive (comme un ordonnancement logique), d’une faculté d’apprentissage (capacité à un réagencement neuronal) et d’imitation (capacité à faire comme l’autre).
L’intelligence humaine est difficile à caractériser et à mesurer car le concept lui-même fait débat. L’intelligence est plus un combo ou un patchwork et c’est ce qui explique le débat scientifique. C’est d’ailleurs un débat qui englobe également la définition de l’Homo Sapiens. Nous y reviendrons… plus tard.
Le cerveau de l’Homo Sapiens, une autre spécificité.
On découvre avec beaucoup de difficulté le mode de fonctionnement de l’organe principal – le cerveau- qui permet cette capacité cognitive et différencie l’homme de l’animal. Il n’est pas rare que l’on se réfère encore à la taille et aux volumes du cerveau. Cela paraît très insuffisant.
Parenthèse : La prise en compte du cerveau sous un angle scientifique est une évolution tardive par rapport à l’effort scientifique du siècle des lumières. Les philosophes grecques et romains vont difficilement aller au-delà de conjectures invérifiables. Aristote ne reconnaissait pas le cerveau comme un organe essentiel. Une partie des philosophes grecques reliaient le cerveau à un réceptacle d’air et donnait à cette combinaison des vertus diverses (comme l’expression d’un souffle vital). Hippocrate donnait un rôle au cerveau à travers ce qu’il appelait « psychè ». Platon également reconnaissait que le cerveau était relié à l’âme mais sans établir un descriptif précis. Galien participe à cette connaissance. Leonard de Vinci, Descartes et bien d’autres survoleront ce thème de connaissances noyés dans un obscurantisme moyenâgeux. La méthode expérimentale reste discrète et Claude Bernard lui- même peine à ouvrir une voie nouvelle ; En1872, il écrit « De tout ce qui précède, je tirerai la seule conclusion légitime qui en découle : c’est que le mécanisme de la pensée nous est inconnu, … ».
Nous le connaissons encore aujourd’hui de manière très insuffisante, mais découvrons tous les jours des éléments propres au psychisme animal et humain que nous relions à des structures mentales. Ce sont des schémas explicatifs de nos comportements que l’on va relier à nos structures organiques (dont une grande partie se situe dans les différentes zones de notre cerveau). Nous relions les archétypes, les pulsions ou autres forces qui accompagnent l’être vivant. Nous relions le vivant « socialisé » et le vivant « biologique », nous n’opposons pas le vivant expression d’un système ouvert (avec un libre arbitre) et le vivant d’un système fermé (automate). Les neuro sciences nous permettent d’entrevoir ces mécanismes de liaison mais elles ne sont pas encore en mesure de faire le lien entre nos représentations, leurs significations, et leur structures organiques correspondantes. On ne sait pas traduire le concept de « troupeau de bisons » en « structure organique ». C’est peut-être une combinaison de pentaquarks encapsulés dans un bain de gluons…
Ce n’est qu’à la fin du 20ème siècle que les neurosciences cognitives ouvrent un nouveau chapitre. En dehors de toute empreinte métaphysique et avec des nouvelles technologies, cette approche devrait permettre au cours de ce siècle de mettre à jour les caractéristiques singulières du cerveau du Sapiens par rapport à celui de l’animal. Fin de la parenthèse. 77
Comment le cerveau organise l’échange systémique avec l’environnement ? l’échange est une clé de compréhension de l’évolution du vivant et de l’homo Sapiens. Il entre dans le processus de comptage, de valorisation et d’écriture. Il nécessite un stade primaire de l’abstraction qui sera un pilier de l’évolution culturelle.
Il va évoluer chez l’enfant dès que celui-ci va inclure dans le jeu, l’échange et le comptage. A quel âge commence la compétition et l’envie de collectionner ? 5-7 ans ? Cette capacité d’abstraction est une étape qui ouvre la voie à l’ensemble du système de conceptualisation. Le troc négocié est la forme primaire de cette différence entre l’homme et l’animal. Il nécessite une valorisation et un comptage. Il préfigure les civilisations antiques. On n’a pas besoin d’être un grand économiste pour comprendre que la valeur d’échange est une expérience quotidienne pour l’enfant qui souhaite échanger un calot contre trois billes ou deux agates. Sa valeur d’usage dépendra de son addiction au jeu ou de son talent à gagner des billes. Au-delà du troc, pourra avoir une conscience de la valeur monétaire de son butin et découvrir que s’il vend son butin, il pourra acquérir d’autres biens. Dans un groupe d’écoliers, il pourra se créer un collectif qui va créer une monnaie propre au groupe comme des coquillages peints en rouge écarlate, une facilité pour échanger. On entre dans le domaine de l’abstraction, une capacité organique spécifique qui permet d’intégrer des comparatifs de valeur et de quantité. On entre dans le besoin de comptage et sa représentation par des signes. On entre également dans une première logique d’anticipation et de logique conditionnelle. Si j’obtiens plus de billes que mes camarades, je pourrais …. Mais j’augmenterais encore mon pouvoir si je conçois mon portefeuille de billes en …. Il y a donc une « usine cérébrale » qui combine tous ces éléments pour produire une solution qui aura été imaginée et sera retenue.
On peut imaginer que cette capacité existe de manière originelle mais qu’elle se développe avec le langage et régresse en l’absence de langage ou qu’elle est spécifique à l’homo Sapiens.
Le comptage et la conscience d’un rapport être le plus et le moins va engendrer une conscience plus large lorsqu’elle est couplée à conscience de force collective, le nous et les autres.
L’évolution de la connaissance va continuer avec une symbiose entre une conscience de l’infiniment petit et de l’infiniment grand qui s’établit plus rapidement que les outils qui permettent de décrire ces deux mondes.
En retard, la conscience remplit le vide par de l’imaginaire. Les instruments permettent une avance de la connaissance et leur création dépend en partie des capacités d’abstraction de calcul dont l’évolution est lente. La technologie permet un bond en avant mais l’abstraction connaît une évolution moins rapide.
L’apprentissage du Sapiens s’est déplacé de la famille à la communauté au fil du temps. Il a gagné en productivité et en performance en se spécialisant. Il s’est démocratisé. Mais ce processus va encore plus loin avec la capacité créative du Sapiens.
Le vivant étant dans un environnement dynamique, il est amené à se transformer à chaque fois qu’il réagit. Il utilise ses ressources pour adapter sa réponse et conserver le résultat de sa réponse dans sa mémoire. Même si son but peut être de garder son état initial, il aura appris Par rapport à l’animal, l’Homo aurait plus de capacité à se souvenir et à faire jouer son système d’anticipation. Cependant des animaux marins sont souvent cités pour avoir les mêmes capacités. Il faut donc rester prudent sur cette affirmation.
Comme l’animal, il peut ressentir une impasse adaptative et paniquer. Il peut aussi faire face à des dilemmes psychologiques. Plus que l’animal, parce que son registre d’expériences est plus étendu, il peut connaître des dysfonctionnements. Enfin, sa propension à chercher des solutions créatrices peut l’amener à se confronter à ses construits sociaux (champs permissifs et interdits de toute nature qu’il a intégré depuis qu’il est né).
Quand est apparue cette spécificité ? Ce que l’on sait, c’est que l’anatomie du cerveau humain a gagné en volume depuis l’évolution primitive de la lignée humaine. Mais cela ne semble pas suffisant pour comprendre la différence avec l’animal si l’on n’ajoute pas le processus créatif et la capacité d’abstraction.
Le processus créatif : C’est une capacité spécifique au Sapiens. Elle s’apparente à une fonction naturelle de vouloir le désordre (une désorganisation) et pas seulement l’ordre (une organisation). La création n’étant que l’expression résiliente de cette désorganisation et sa maîtrise au fur et à mesure que s’adapte le Sapiens à son environnement.
Le dessin de l’enfant est un gribouillage avant 3 ans. Il n’est pas encore un construit mais il préexiste génétiquement. Il apparaît comme une activité simplement proactive sans recherche d’un résultat. Il aura par la suite une activité plus élaborée qu’il va relier à quelque chose – objet, animal, être humain -
Question : est-ce qu’un enfant loup pourrait faire un dessin de lui-même en occultant la question d’habileté. Non, le dessin est donc une activité acquise socialement. Oui le gribouillage est inné (dans les gènes) et le dessin est un construit qui succède au gribouillage avec plus ou moins de bonheur suivant la prise de conscience du moi et la socialisation qui l’accompagne.
Cinquième Postulat : Le processus créatif du Sapiens est lié à la reconnaissance du moi et nécessaire à son évolution.
On peut également admettre que l’expression d’un son par la gorge de l’humain est innée (capacité anatomique) au moment de la naissance et qu’il apprend à l’écoute la structure orale du langage. Sa capacité à évoluer est plus liée à sa socialisation qu’à une structure hypothétique préexistante du langage d’ordre génétique. Par contre, il peut être génétiquement poussé à élargir ses vocalises (caractère inné).
L’abstraction : Elle est une instrumentalisation de la main pariétale. A partir du moment où je peux attribuer à la main le rôle instrumental de mon échange avec moi-même, je peux projeter virtuellement ma main dans mon cerveau et continuer mon échange. J’ai acquis cette capacité à transformer cette main suivant ma volonté ; Je peux la colorer, en faire une grande main ou une petite main dans mon cerveau sans devoir la dessiner à chaque fois.
Je peux également la symboliser sans qu’elle apparaisse comme une main. C’est un processus d’abstraction, le produit de ma relation avec un élément de mon moi, qui débouche sur la construction symbolique d’une forme abstraite. Ayant cette expérience et ce savoir faire, je vais poursuivre cet exercice qui me distingue de l’animal.
La mémoire visuelle propre au Sapiens permet la conservation d’un symbole. Le processus créatif lui, permet la production d’un symbole, premier élément du langage écrit. Je peux écrire ce symbole à ma manière ou suivre celle de mon groupe d’appartenance (classé D46 à D48 dans la liste des hiéroglyphes de Gardener par exemple). Je peux également utiliser ce symbole pour délivrer un message (ainsi la main de justice est un sceptre surmonté d’une main à trois doigts qui traduisait le pouvoir royal).
Il manque encore un chainon descriptif pour que puisse être compris l’éveil de la conscience du moi dans une dynamique passé -présent-futur.
Quelques éléments de réponse ont été apportés en ce qui concerne le langage avec le behaviorisme de Skinner et les théories comportementalistes, puis la vision de Chomsky et les théories cognitives. Le repérage de l’aire de Broca semble confirmer le rôle du cerveau dans le système de langage à base générative. L’abstraction passe par le langage – symbole mais reste encore un processus à explorer. Sa définition même est ambigüe et demande à être commentée. Plus tard…
Parenthèse : La doudou de Sandra – sep 81 – Sandra a 2 ans, en voyage professionnel de longue durée aux USA, Sandra fréquente la crèche pendant que sa sœur est à l’Ecole - Elle ne veut plus quitter sa doudou de la journée et pleure plus que les autres enfants– elle mâchouille sa doudou – un simple linge blanc- et la mouille heure après heure. Elle ne joue pas beaucoup avec les autres enfants et se réfugie dans les bras de l’assistante maternelle qui s’occupe des enfants – Cette situation de repli me préoccupe encore 40 ans plus tard. Alors je fais l’hypothèse suivante.
Ce rapport affectif très fort avec la doudou, sa doudou, est un combat douloureux de projection du moi vers un autre moi qui lui permettrait d’acquérir son autonomie de pensée, de reconnaissance de ce moi (dans un miroir virtuel) sur lequel elle va pouvoir projeter des sentiments, lui permettre d’entrer dans la perception du triptyque passé-présent-futur, et ainsi dans le processus de dissociation nécessaire à la création quelques années plus tard de son intelligence conceptuelle.
L’animal de compagnie n’a pas de doudou mais il va jouer avec un os, une balle ou autre mais ce jeu ne se situe pas dans un rapport d’attachement et de dissociation. Il n’a pas de volonté de s’émanciper de la situation de jeu. Il n’est pas dans un processus Sapiens de création. Fin de la parenthèse.
Dans le processus de dissociation entre moi et ma projection, la vue est-elle le sens qui devient dominant ? Il semble plus important que l’odeur ou que le toucher. L’odeur pourrait jouer un rôle chez l’animal mais il n’est pas assez performant chez l’homme. Le toucher semble également important au moment de la naissance aussi bien chez l’animal que chez l’homme. Le son disparaît-il plus vite que la vue dans la mémoire à long terme ? Ce n’est pas certain mais son registre semble moins étendu. Soyons prudent sur cette affirmation car les musiciens me contrediront certainement. Le registre de la vision semble plus performant pour figer le temps et permettre une extraction répétitive.
Il y a également un processus de dissociation chez l’animal. Pour marquer son territoire, il laisse des empreintes visuelles ou odoriférantes. Il projette son moi de manière inconsciente.
La vue, c’est l’image, une empreinte atemporelle qui peut être revisualisée plus tard. Elle est nécessaire au processus de dissociation. Elle participe à un processus additionnel dans le cerveau qui permet une fonction spécifique, la conceptualisation. Cela suppose un centre particulier capacitaire propre à l’Homo Sapiens.
La spiritualité de l’homo Sapiens : L’esprit de l’Homo Sapiens a considérablement progressé au cours des âges.
Par esprit, nous entendons toutes les représentations exprimées et non exprimées que l’homme est capable de considérer dans sa conscience comme un préalable à l’action intentionnelle ou effective.
L’émotionnel est une source de turbulences qui conditionne l’esprit dans son développement.
L’esprit est au cours des millénaires un état qui est régulé de manière systémique avec son environnement social. Il évolue quand l’environnement social évolue. Il semble encore difficile d’en dater les évolutions. Les civilisations qui se sont succédé sont des étapes de cette évolution de l’esprit. Ce sont des groupes humains proches qui ont partagé une même organisation et un corpus de connaissances et des pratiques durant une époque. Les interactions entre ces civilisations sont un chapitre de la recherche historique.
Nous ne connaissons que quelques civilisations seulement. Il est donc particulièrement difficile de décrire les stades de l’évolution de l’esprit humain au-delà de 10 000 ans. Ce qui semble acquis, c’est l’existence d’une organisation sociale et d’un niveau de communication linguistique de haut niveau dès le début de la sédentarisation au néolithique.
Les spiritualités ont accompagné l’évolution du vivant.
Cette revue ne vise pas à faire un résumé de l’histoire des religions mais à rechercher comment ces dernières ont participé à réduire l’angoisse existentielle qui est apparu avec la lignée du Sapiens.
Les spiritualités sont nées du nouveau rapport de l’homme avec son environnement. C’est au moment où l’homme inscrit sa main en négatif sur une paroi qu’il prend conscience de son moi par rapport à l’ensemble de son environnement spatial et temporel. Ce n’est plus simplement la faim de sa compagne et de ses enfants qui le pousse à aller à la chasse, c’est la conscience du temps qui passe comme celui qui est passé. C’est la conscience qu’il est un vivant avec une mère et des descendants. C’est la conscience de la vie et de sa capacité à en prendre la maîtrise même si celle-ci est partielle.
Un vertige va se créer car les questions sont plus nombreuses que les réponses. Cela lui « prend la tête » comme un humain le dirait aujourd’hui lorsqu’il est submergé par le « que faire ? ». Il se crée une angoisse existentielle qu’il a besoin de réduire sinon il ressentira un inconfort voire une souffrance.
Cette conscience du moi existe chez l’enfant vers deux ans. A quel période est-elle apparue chez le Sapiens, on ne le sait pas. A partir de cet inconfort psychique il va chercher à réduire cette angoisse existentielle en adoptant plusieurs réponses spirituelles.
L’animisme primitif est né cette époque. Il ne relève pas du même processus de conscience mais plutôt d’un effleurement de la conscience. Il n’est pas construit. Il traduit des peurs et des angoisses avec des signes, des superstitions et des rituels. Il précède le polythéisme qui tente de stabilise les peurs. Les esprits, les génies, les dieux, sont des représentations construites. La spiritualité est projetée sur des esprits virtuels avec lesquels l’on peut de manière imaginaire enter en contact. C’est rassurant. Leur adoration est un grand bazar où le Sapiens peut trouver son bonheur c’est-à-dire sa médecine douce.
C’est une spiritualité qui invente son monde et permet de s’installer dans une croyance pour que l’âme agisse sur le corps. Une sorte d’effet « placebo » dans le vocabulaire d’aujourd’hui. Le polythéisme a pris des formes diverses.
La religion accompagne l’Homo Sapiens sous des formes diverses. Par religion, il faut entendre la pratique de rites avec des croyances envers d’autres « moi » imaginaires à qui le Sapiens attribue un rôle. La superstition, la magie, la divination, la sorcellerie, est courante. Elle traduit à la fois une « liberté créative » et un sentiment de malaise devant un futur sans certitude.
Cette spiritualité sera d’une autre nature lorsque le monothéisme apparaît comme se voulant la source d’un nouvel ordre. Le dieu unique existait dans le polythéisme, Zeus, Jupiter. Un changement important intervient avec l’avènement du monothéisme. Il socialise la relation entre les hommes par un lien qui se veut universel et collectif.
La religion du dieu unique, le monothéisme sera une étape dans l’évolution du Sapiens.
L’ordre nouveau n’est plus celui d’une communauté avec ses usages et coutumes et de son chef mais celui d’un chef imaginaire à qui chacun est invité à reconnaitre son pouvoir.
Du chef guerrier au Dieu spirituel : Dès l’antiquité, le besoin d’un chef a été la règle dans les communautés humaines. Un chef guerrier, en chair et en os, s’est imposé dans une communauté, souvent pour sa capacité réelle ou potentielle à défendre sa communauté ou à conquérir d’autres territoires. A part quelques exceptions, c’est la gente masculine qui a été choisie comme chef. Et Dieu sera, de facto, assimilé au genre masculin.
A l époque, la mythologie était une forme de représentation imaginaire qui permettait de projeter la pensée humaine au-delà de l’action immédiate.
Le passage au monothéisme a eu comme changement de désigner un chef suprême abstrait mais amené à régner par son esprit, le saint esprit. Le changement est considérable, car le chef devient un guide spirituel intemporel et universel. C’est un chef qui gouverne, qui règne et qui doit regrouper tous les humains. Le « Pater Noster », la prière chrétienne la plus répandue est claire à ce sujet.
Notre Père
Qui es aux Cieux,
Que Ton Nom soit sanctifié,
Que Ton Règne vienne (arrive),
Que Ta Volonté soit faite
sur la terre comme au ciel.
C’est un pouvoir spirituel au dessus de celui de l’humain.
Le seul inconvénient est qu’il faut des prophètes pour traduire cette volonté en langage humain. La bataille des prophètes commence alors pour une longue période. Une hiérarchie ordonnée va conduire le troupeau humain.
L’histoire retient Moïse comme premier prophète du Judaïsme. Il était un chef spirituel d’un groupe d’hébreux, anciens esclaves du royaume égyptien, en errance dans le désert du Sinaï (vers 1400 av JC) à la recherche d’une raison de vivre et d’espérer. La foi spirituelle fut une force aidant à la survie du groupe et qui prit cette forme singulière. Cela fut aussi une mise en ordre sociétale avec les tables de la loi.
Le monothéisme semble cependant plus ancien et avait cours dans l’empire perse. Tout au long de cette période, de nombreux prophètes (en concurrence parfois sanglante) tentèrent de promouvoir leur vision comme la volonté de Dieu.
La route a été longue pour universaliser une pensée « gravée dans le marbre », le décalogue, il y a plus de 3000 ans, Le monothéisme s’est diffusé sur un petit millénaire.
Parenthèse : Le monothéisme judéo chrétien marque une étape dans l’évolution de l’humain dans notre société occidentale par l’ampleur de son influence durant 2000 ans. La religion monothéiste est aujourd’hui dans une phase d’évolution qui se dessine avec des mouvements complexes. L’église chrétienne étant légèrement majoritaire au sein des églises monothéistes devant celles qui relèvent de l’Islam. L’athéisme n’est pas la règle (moins de 15% de la population mondiale). La pratique religieuse est plus difficile à cerner, car elle est fonction de l’affiliation religieuse et des pays. Fin de la parenthèse. 87
Commet expliquer cette évolution ? Au cours des 7000 derrières années de notre décompte actuel du temps, le nombre de Sapiens se multiplie au même rythme que la sédentarisation. Les communautés deviennent les sources d’échange et d’apprentissage. La socialisation devient le facteur essentiel de la progression de l’esprit du Sapiens.
La religion monothéiste était-elle consciemment une volonté d’aller donner plus de de stabilité à la communauté humaine ou bien une conjonction évolutionniste des sociétés de l’époque qui a fait adopter l’idée d’un dieu unique avec ses prophètes et missionnaires ?
Ce qui est certain, c’est que la religion a profondément modifié la structure des communautés humaines.
Le pouvoir absolu d’un chef guerrier sur terre pouvait être combattu par un contre pouvoir, celui des représentants de Dieu. La loi de Dieu apparaissait comme une loi universelle qui s’impose à tous et qui met au second rang les croyances individuelles en tel ou tel dieu de la mythologie.
C’est également une volonté d’être intemporel. Les lois de Dieu étant spirituelles sont au-delà des situations contingentes. Elle refonde les rites qui existaient depuis la nuit des temps. Ils sont essentiels comme valeur d’appartenance et les pratiques reposent sur des choix symboliques.
Ces nouveaux rites n’avaient pas pour vocation première de modifier la structure patriarcale de la société mais d’introduire un ordre social commun.
En ce sens, la religion monothéiste pouvait rassembler les esprits et les unir autour d’une même charte humaine. La légende et le dieu mythique (homme-animal dans l’antiquité égyptienne par exemple) accompagne le Sapiens depuis qu’il possède une conscience et une capacité à communiquer.
La religion chrétienne s’est imposée car c’est un système sociétal à part entière qui dépasse toutes les formes d’organisations existantes en s’appuyant sur un texte spirituel (l’ancien testament) dont le message de paix se substitue à toute forme de pouvoir humain. Concrètement, ce système utilise la foi comme vecteur de subjugation de la population.
Pour atteindre son but, va se mettre en place une organisation complexe s’appuyant sur de nombreux moyens qu’utilise une société moderne doté peut lui envier pour son efficacité. Par exemple, (le rassemblement dans des églises, construites par les croyants eux-mêmes, remplacent l’agora citoyenne. Les prêches et les messes, avec leur déroulement théâtral grandiose et coloré, leur rituel discipliné, émulent le sentiment d’appartenance des fidèles. Traditionnellement La religion catholique instaure des prières au moins trois fois pour un non ecclésiastique et la sonnerie des cloches marque le moment de ces prières.
Il serait trop long de détailler tout ce qui a été inventé. Pour faire court, retenons les mythes et les légendes autour du Christ , ce sont les rites et les fêtes religieuses ; les symboles , ce sont la croix, le calice, … ; les moyens évangéliques , ce sont la compassion et l’aide matérielle ; la structure de coordination , ce sont la hiérarchie ecclésiastique et les prêtres ; le contrôle , ce sont les lois de l’église ; la surveillance mieux que « big Brothers », c’est la confession qui fait venir le sujet lui-même pour avouer ses pêchés ; les moyens promotionnels , ce sont la création et la médiatisation des évènements religieux ; les moyens financiers , ce sont l’impôt, le denier du culte.
Quoiqu’il en soit, au-delà du fait religieux, c’est l’idée d’une société qui cherche à dépasser une organisation sociétale violente pour un ordre plus évolué et plus pacifique.
Dans les sociétés primitives, la violence est aujourd’hui mise en avant par de nombreux experts. Les raisons en sont nombreuses tel que la défense de son territoire, la conquête de territoire pour se procurer femmes, enfants, voler du bétail ou répondre à un vol, prouver sa force, ou certaines croyances ou préjugés racistes etc.
A l’intérieur même des groupes nombreux sédentarisés, les violences étaient nombreuses et le meurtre loin d’être exceptionnel.
C’est aussi l’élaboration d’un système extraordinairement élaboré de soumission psychologique à un culte. En évitant, les guerres dévastatrices et cruelles, et en unissant la population autour d’un ordre universel, l’homme aurait du vivre dans un monde meilleur. Cet ordre nouveau a été détaillé par écrit sous différentes formes dont la Torah vers 600 AEC. Elle comprend 613 commandements suivant la tradition. Ce premier texte évoluera en de nombreuses versions. L’idée globale était une foi partagée avec un amour du prochain et l’acceptation d’un ordre moral et social codifié. L’intention était louable.
Hélas, La réalité sera différente et conduira aux guerres de religion qui n’ont jamais cessées.
Une deuxième manière de réduire l’angoisse existentielle est de maîtriser son esprit en le libérant de la souffrance du corps et des désirs au sens large. Cette orientation de type bouddhiste (voir infra) conduit à la méditation et au détachement des biens matériels. Elle est hautement individualiste.
Une troisième voie est une voie philosophique humaniste qui met l’ensemble des hommes dans un système collectif responsable ou chacun est invité à la fraternité et à la solidarité. Elle donnera lieu à des communautés capables de s’autogérer par une spiritualité partagée. Cette voie possède un contour qui ne se prête pas à une définition unique. Elle se retrouve aussi bien dans le fouriérisme que dans le confucianisme.
Le confucianisme en particulier va devenir une source d’organisation sociétale des pays de peuplement sinisé. Le confucianisme est resté la doctrine qui fonde la gouvernance de la Chine contemporaine.
Confucius serait né en 554 avant l’ère commune, il n’a écrit aucun ouvrage mais les témoignages de sa pensée sont retracés dans Le Livre des Entretiens, rédigé par ses disciples. Ce livre enseigne le perfectionnement de l’homme, les rites pour honorer ses parents, la manière de se comporter envers ses inférieurs et ses supérieurs, etc. Son enseignement traite uniquement des problèmes humains et se veut accessible à tous les hommes. Au Vietnam, le Confucianisme a été la doctrine officielle des concours de mandarinat. Le premier eut lieu sous la dynastie des Ly en 1075, le dernier concours prit fin en 1919.
Chacune de ces solutions va déboucher sur un système politique et un ordre sociétal extrêmement varié parfois unique et totalitaire, parfois en symbiose avec un autre système politique. Le califat, la monarchie chrétienne, le communisme, en sont des exemples.
Le modèle religieux monothéiste par son universalité et son objectif sociétal a probablement été un progrès par rapport au mode de vie très éclaté des très nombreux petits royaumes de l’époque dont les problématiques étaient plutôt relatives à la survivance économique et à la défense e leur territoire.
Mais le modèle religieux a vite été mis en échec par les schismes successifs et la naissance d’une fracture orient – occident. En définitive, le progrès de la spiritualité monothéiste s’est transformé en désastre sociétale avec les guerres de religion et la dictature des chefs de foi. Certains ont formé une hiérarchie avec un chef suprême (le catholicisme), d’autres des confréries avec une organisation plus complexe et des chefs dont la source de leur autorité est difficile à cerner et traduit une lutte d’influence.
Il y peu de spiritualités nouvelles depuis plusieurs siècles. La plupart des courants nouveaux sont issus des spiritualités connues. L’absence de spiritualité religieuse ou similaire reste une exception chez le Sapiens d’aujourd’hui.
Parenthèse : Quand je suis arrivé en 1991 au Vietnam, j’ai tout de suite remarqué qu’il restait de nombreux signes de référence à la religion bouddhiste. J’ai progressivement découvert qu’outre le culte des ancêtres et les croyances populaires chez les diverses ethnies, il y avait un foisonnement extraordinaire du fait religieux à travers le bouddhisme, le taoïsme, le shintoïsme, le catholicisme, l’Islam.
Le Vietnam pays officiellement de doctrine communiste depuis moins de cent ans n’a jamais réussi à éradiquer le besoin de religion au niveau du foyer vietnamien. Cela confirme que le Sapiens a besoin d’une spiritualité qui l’accompagne tout au long de son vivant et cela quelle qu’en soit la forme. Le peuple vietnamien n’est pas différent des autres peuples même s’il a une curieuse propension à prendre une partie de chaque religion un peu comme dans un menu à la carte. Il a même en 1921 crée une religion syncrétiste, le Caodaïsme qui compte environ 3 millions de fidèles.
Même après quelques séjours, je n’arrivais pas encore à comprendre à quel moment il était préférable que je suive le rite taoïste plutôt que bouddhisme ou encore le culte païen en trouvant le bon génie. Et cela sans compter qu’il peut y avoir différentes formes de bouddhisme pratiqués au sein d’une même famille et des « églises dérivées » qui sont des fondations spirituelles hybrides. Je progresse …. Fin de la parenthèse. 91
Le bouddhisme est-il une religion, une philosophie ? ni l’un ni l’autre, c’est pour moi une solution pratique à l’angoisse existentielle. La pratique bouddhiste originelle de Siddhârta Gautama, VIe siècle avant l’ère commune. Il comprendra par la suite de nombreuses variantes parfois très éloignées. Le bouddhisme cherche à faire abstraction du réel pour atteindre un état de détachement absolu, qui en dehors d’une paix intérieure et le rejet du désir, permettrait de se fondre avec l’univers et le néant. C’est une non-perception, une non-sensibilité qui permet d’accéder à cet état de distanciation, de détachement une recherche du néant, nihiliste de la vie. L’ascétisme et le soutien de la communauté va aider à atteindre ce point spécifique.
Proche de certaines religions de l’époque en Inde, ce choix de refus de la vie biologique sera repris par des disciples. Ce bouddhisme orthodoxe n’existe quasiment plus. Il a été une voie d’évolution de la conscience du vivant dont l’Eveil a conduit à une impasse existentielle singulière, faire en sorte que sa conscience de son corps et de son environnement n’existe plus. Suicide sublimé, désespérance, création d’un leurre spirituel, ou croyance dans une illumination qui joue le même rôle que celle de Dieu dans la religion judéo-chrétienne.
Parmi les très nombreuses écoles qui ont vu le jour, La voie « du grand véhicule ou mahāyāna » est la plus répandue au Vietnam. Les bonzes d’aujourd’hui, adeptes du Bouddhisme, disent rechercher une libération de l’esprit en détachement des contraintes matérielles et organiques. Dans certaines communautés, en dehors d’un isolement et d’un recours important aux rites, il y a la recherche d’une maîtrise du corps et de l’esprit pour atteindre un état mental absolu. Le comportement quotidien montre un comportement généralisé de bienveillance, compassion et amour de tous, mais également un détachement vis à vis de la souffrance.
Paradoxalement, l’enrichissement matériel de la communauté bouddhiste est courant et le don est largement accepté. Il semble bien que l’impasse existentielle du bouddhisme initial ait évolué vers une symbiose existentielle avec le monde. Pour la population, les communautés bouddhistes et leurs temples remplissent un rôle assez similaire à celui de toute église permettant un apaisement spirituel sans contrainte.
Le Sapiens est-il prisonnier de l’hyper société qu’il a créée ?
A l’origine l’homme était soumis aux caprices de la nature. Par la suite, dans la relation entre Homo Sapiens et nature, l’homme a pris le dessus. C’est lui maintenant qui gère la nature. Et certains lui reprochent de mal le faire, mais c’est une autre histoire. Aujourd’hui, on avance vers une relation dominante Sapiens – Sapiens, plus importante que la relation de l’homme et de la nature, dont on connaît mal l’issue. Cette prochaine étape n’est pas encore jouée.
Sixième postulat : Quelle qu’en soit la forme, le lien sociétal crée un mouvement dynamique de flux et de reflux des communautés créées par le Sapiens au niveau planétaire.
Le mot « communauté » est un choix de mot qui veut signifier qu’il existe plusieurs variétés de regroupements qui s’interconnectent au cours de l’évolution du Sapiens. Il peut s’agir des groupes tribaux, des villages et places fortes, des peuplades, des seigneuries, des paroisses, califats ou autres groupements religieux, des royaumes et empires, des états nations, des états religieux, des ensembles géopolitiques, des civilisations.
Ce que je veux exprimer, c’est simplement que l’Homo Sapiens est aujourd’hui un « homme sociétal » à part entière et que cette dynamique de connexion entre sociétés différentes crée des mouvements complexes d’assimilation et de rejets, d’alliances et de confrontations, de domination et de soumission. Le mot sociétal apparu au début du 20ème siècle permet de se différencier du mot social en soulignant qu’il dépasse les rapports entre individus pour concerner l’ensemble des individus. Par sociétal, Il faut également entendre « l’organisation volontaire contraignante d’une communauté humaine qui partage un mode de pensée et de vie sociale ». Cette organisation contraignante sera ambivalente en ce sens qu’elle peut être vécue comme apaisante et se substituant au moi libertaire (en recherche d’insertion sociétale), ou agressive et vécu comme liberticide.
Cette dynamique se joue au niveau de la petite communauté de quelques centaines de membres comme au niveau de civilisations de plusieurs millions de membres.
Parenthèse : Dans une communauté, la vie entre membres se manifeste par des rapports convenus et appris. Le désordre social est principalement contenu par l’initiative de chacun. La réputation de chacun est celle que l’autre va répandre ; l’étranger subit la méfiance. La règle est celle des anciens qui la tiennent des anciens. Dans une société, les communautés se mélangent et donnent lieu à des espaces organisées et à des règles de vie en commun. La Cité au sens large (comme la cité antique) est la forme première de ses regroupements. La vague communautaire va se former en engloutissant des communautés géographiques, spirituelles, culturelles. Leur existence sera dépendante de leur organisation, de leur solidité structurelle, de l’adhésion de leurs membres. Elles peuvent être qualifiées de civilisation lorsqu’il est plus pertinent de désigner le tout que les parties.
Il ne peut y avoir de système sociétal sans principe holistique qui relie tous les éléments pour donner à l’ensemble sa force de résilience. Cependant, rien n’indique que cette force ne basculera pas d’une orientation néguentropique vers une orientation entropique et réciproquement. Il n’y pas de garantie de durée et des civilisations ont disparues malgré leur résilience en tant que système de société. Fin de la parenthèse.
Peut-on caractériser l’évolution contemporaine du Sapiens comme celle d’une marche vers une hyper société. Le lien sociétal est-il de plus en plus fort ou bien n’est-ce qu’une illusion. La réponse n’est pas évidente car l’histoire est ondulatoire avec des phases de désagrégation et d’autres de consolidation. Les empires se sont succédé tout au long de ces derniers millénaires. La forme de pensée du vivant ne semble pas avoir suffisamment évolué pour envisager une autre forme d’évolution en ce début de siècle. C’est sans doute la raison pour laquelle l’angoisse existentielle conduit aux pires prédictions apocalyptiques et la religion est toujours d’actualité.
Quel vivant pour le futur ? La diversité des peuplements humains semble aujourd’hui appartenir au livres d’histoire. Il peut effectivement y avoir au 21 -ème siècle, dans les forêts denses, quelques très rares groupes humains qui sont isolés depuis quelques milliers d’années. D’une manière générale, le Sapiens n’a cessé de s’étendre sur la surface du globe et de nouer des liens. Il y a eu des isolations temporaires par suite de l’évolution de la topographie entre la terre et les océans et l’absence des moyens de communication.
L’accroissement démographique s’est accompagné de celui des migrations et celui des échanges commerciaux. Les conquêtes territoriales, le colonialisme, le développement industriel, la mondialisation massive du commerce, le tourisme ont, en l’espace de deux siècles, modifié le cadre d’analyse du fait sociétal.
L’hypersociété est née au 20 -ème siècle avec une approche sociétale globale portée par de nouvelles institutions comme la société des nations, l’organisation des nations unies ou des institutions plus sectorielles comme l’organisation mondiale du commerce, l’organisation mondiale du commerce, … .
Au 21ème siècle, nul doute que la révolution numérique et la prolifération des réseaux sociaux modifie encore plus le cadre sociétal. Les réseaux sociaux cristallisent les blocs dominants. Le temps lui-même n’est plus un facteur fondamental de l’organisation de la société. Il faut quelques heures pour aller de Paris à New York, quelques jours pour transporter des marchandises volumineuses, quelques secondes pour recevoir les images d’une cérémonie de mariage à des milliers de kilomètres,
Que veut dire dans ce nouveau contexte la globalisation de la société ? est-elle inévitable ? Doit-on considérer que la convergence sur le long terme sera totale même si ce processus est un parcours accidenté. ? Ou bien assistera t-on à une transformation qui donnera une nouvelle configuration poly sociétale avec une superstructure transversale ?
Une superstructure transversale va-t-elle conduire à une pensée transversale. La lutte contre le réchauffement climatique démontre qu’une conscience globale transversale peut émerger mais que la mise en commun de solutions n’est encore qu’un vœu pieux. Quelle institution transversale oserait aujourd’hui intervenir militairement pour protéger l’Amazonie de la déforestation ? Nous sommes toujours dans l’esprit nationaliste avec une prépondérance à définir la nation d’abord par rapport à un sentiment d’appartenance puis par rapport à une identité faite du patrimoine et de l’histoire. Ainsi, le breton a un fort sentiment d’appartenance à une région géographique, la bretagne, et à un territoire plus large défini par une gouvernance, la France. Sa conscience d’appartenir à l’Europe est en voie d’évolution mais loin d’engendrer un sentiment d’appartenance aussi fort.
Affirmer que l’évolution du Sapiens passe nécessairement par une plus grande conscience l’amenant à concevoir la planète terre comme une seule et même société reste un discours et non le résultat d’un constat reconnu. Pourquoi ?
Les spiritualités actuelles sont trop conservatrices et visent plutôt à préserver les territoires ou à occuper des territoires de manière violente (comme l’Islam radical). Les nationalismes assis sur une langue partagée sont également des forces conservatrices qui mobilisent fortement les populations et communautés de tout bord.
Le Brexit est une forme de défense identitaire et économique de l’Angleterre. Il est un marqueur du repli nationaliste. Le « Poutinisme » est également une forme de valorisation nationaliste du peuple russe assise en partie sur une dimension militariste. La tentative de créer à partir d’un territoire (le califat de l’Etat Islamique) promeut une l’idéologie religieuse conquérante en concurrence avec d’autres, la nostalgie de l’image de l’empire Ottoman anime probablement les fantasmes du président turc Erdogan. La résurgence de la civilisation historique chinoise est un ciment très fort dans la conscience de chaque membre de la Chine Etat-Nation.
Il est vrai que le phénomène n’est pas nouveau. L’appartenance d’un groupe à un peuplement qui a développé au fil des générations, sur un territoire, une culture identitaire a toujours été une base de motivation d’une société dans ces choix de vie, d’adaptation à l’environnement, de réaction à la menace ou de désir de prendre ce que l’autre possède.
Une conscience sociétale plus large est-elle illusoire ? La pandémie de la Covid 19 a montré comment en quelques semaines les frontières des Etats Nations pouvaient se refermer.
Ce sont des exemples qui montrent simplement que de tels replis sont possibles et que la mondialisation peut s’effondrer comme un château de cartes mais d’un autre côté, il y a une solidarité qui se forme et il y a un partage des moyens et des solutions.
Les jeunes générations ont montré depuis près d’un siècle leur engouement pour la défense des causes sociales, écologiques, humanitaires et autres. Cependant, Cela ne signifie pas une convergence vers une spiritualité commune. Et l’angoisse existentielle des jeunes générations ne semble pas faiblir.
Une fois passé ce cap, les adultes retrouvent les fondements du comportement de leurs ancêtres .
De l’église au centre commercial, une même réponse à la condition humaine.
Le centre commercial du XX -ème siècle possède une dimension permettant la circulation d’une foule sous un toit haut qui donne un volume imposant. Les vitrines sont des centres d’émerveillement tout autant que la décoration et le marbre qui pave les vastes allés. Les lumières et les couleurs créent un environnement festif qui accompagne l’acte d’achat. Il procure un enchantement des sens quasi magique. Dans les années 90’, Le centre commercial n’est pas seulement un lieu marchand mais un lieu de socialisation et d’émerveillement. On s’y promène, on s’y retrouve en fin de semaine, on y mange, on participe à un rituel hebdomadaire. Ce nouveau temple de la consommation succède à la cathédrale, l’église, le site religieux fréquentée les fins de semaine. La vitrine remplace le vitrail. Mais la cathédrale elle-même s’inscrit dans ce même système de valeur. Elle est un lieu d’enchantement, de socialisation, d’adhésion à des valeurs et des croyances. Son style architectural grandiose participe à cet enchantement. Cela a vraisemblablement été également été le cas des grottes préhistoriques qui par leurs dimensions, leur jeu de lumières, leur décoration pariétale et leurs pratiques rituelles sont les cathédrales de la préhistoire.
Les valeurs de l’homme préhistorique sont des suppositions au regard des artefacts mais tout porte à croire que c’est un ensemble de valeurs qui sont nés en même temps. On peut tout à fait appliquer la typologie de Holbrook qui relativise l’acte rationnel d’achat de la société moderne. Il relie l’expérience et le vécu émotionnel envers l’objet utilisé comme source de comportement.
L’expérience vécue et encryptée devient valeur de comportement. Elle va susciter en réponse un comportement actif ou rétroactif individuel ou social, avec des conséquences sur la manière de se comporter individuellement et socialement par rapport au groupe d’appartenance. C’est le retour d’expérience, c’est le vécu et ses charges émotionnelles plus que la raison qui explique les comportements de l’humain. L’émerveillement, la peur, le plaisir, la détestation, le l’esthétique, le jeu, etc… d’une part, le statut social, l’estime, l’éthique, le suivisme, etc., sont les ancrages de l’expérience vécu qui font encore aujourd’hui partie de la condition humaine. Cette typologie ne remet pas en cause le calcul rationnel que l’on prêtera à l’homo économicus, il le relativise comme source de comportement. Elle charge le rapport d’échange d’une valeur expérientielle qui s’ajoute à la valeur d’usage. Dans la préhistoire, l’objet – rite (au sens large) est chargé de valeur sacré et/ou cultuel. Le vêtement a une valeur de statut social en dehors de sa valeur d’usage.
Les fondements du comportement humain du Sapiens semblent se perpétuer depuis des millénaires dans toutes les civilisations connues.
Septième postulat : Le Sapiens subit le paradoxe d’une convergence spirituelle pour accéder à plus de stabilité et la recherche du progrès humain par un processus de compétition déstabilisant.
Si l’on admet que le progrès humain provient d’un processus compétitif entre humains. Le plus fort dans le domaine économique, sociétal et militaire procure un avantage à la population qui œuvre dans ce but. C’est ce déséquilibre assumé, structuré par un communautarisme de type nationaliste qui rend possible un discours politique populiste et conduit à un comportement sectaire et dominateur.
Cela a été le cas avec la doctrine du président américain Donald TRUMP, élu en 2016, avec la formule « America Great Again ». Cela a été le cas avec le séparatisme britannique (BREXIT) vis-à-vis de l’Union Européenne approuvé par référendum en 2016. Le nationalisme Chinois suit également cette voie sous l’égide d’une direction politique collégiale (Politburo, dont le secrétaire général est Xi Jinping). La nouvelle route de la soie est une version moderne de la guerre économique.
Si le Sapiens a conscience qu’il forme une communauté spirituelle unique qui dépasse le désordre qui peut naître de ces égocentrismes géoculturels, il n’a pas encore la capacité à trouver une voie non conflictuelle pour partager le progrès humain.
Il faudra encore attendre plusieurs générations pour que l’on assiste à ce que cette convergence spirituelle gère planétairement la répartition du progrès humain. Elle n’est pas une certitude mais une évolution possible. Elle se traduira par une nouvelle charte mondiale que l’on pourrait imaginer. Mais la charte ne suffira pas, il faut y ajouter le mythe et le rite. Et pour partie le gendarme. Il n’y a pas d’indices précurseurs actuellement d’une possible convergence spirituelle globale qui établirait une fédération planétaire. Ce n’est pas pour autant qu’il y aura un retour au passé.
Le Mennonisme est un courant religieux d’origine chrétienne très minoritaire qui subsiste au 21ème siècle. Sa doctrine revendique l’absence de recours au progrès technique, le refus des armes et la non-violence. Très repliées sur elles-mêmes ces communautés ne semblent pas être en mesure de modifier la pensée spirituelle du Sapiens.
Une autre question se pose. Un individu seul peut-il conduire durablement à altérer le chemin vers une conscience sociétale globale. Le temps des nouveaux prophètes planétaires est-il pour demain ? Oui, c’est possible. La communication d’un seul individu peut aujourd’hui toucher des millions d’autres individus et traverser les frontières. Les barrières des états nations sont techniquement fragiles sauf à aboutir à un régime totalitaire. Mais nous n’y sommes pas encore. En 2070, peut être. Dans ce contexte, une bifurcation conduirait à faire exploser le monde en deux blocs celui des régimes libéraux et celui des régimes totalitaires. Un scénario qui ne serait plus un scénario littéraire.
Une autre vision, plus réaliste aujourd’hui est celle d’un stade intermédiaire d’hypersociétés qui se groupent sous forme de blocs et cela particulièrement en cas de crise conflictuelle. Il semble que cette transformation soit plausible et assez proche de la pensée actuelle. Elle demande une réactualisation de l’autonomie et une modification du processus d’industrialisation et de commerce. Elle conduit comme cela s’est produit au cours de l’histoire à reformer des blocs d’alliance et à les rendre indépendants militairement et économiquement. Mais peut-il y avoir une nouvelle spiritualité au delà d’une logique d’affrontement ?
Oui. Pourquoi ?
L’idée est que le Sapiens n’est pas prêt à s’engager dans ce processus avec une régression de son bien être sauf s’il a la conviction que son action peut amener à un bien être supérieur qui mérite son sacrifice. Cela nécessite qu’il ait une éducation et un acquis de connaissances lui permettant de faire le choix du camp des pacifistes. Il aura mesuré le bénéfice/coût.
Non. Pourquoi ?
L’idée est que le Sapiens est prêt à s’engager dans ce processus avec une régression de son bien être s’il a la conviction que son action peut amener à un bien être supérieur qui mérite son sacrifice. Cela nécessite qu’il ait une éducation et un acquis de connaissances lui permettant de faire le choix du camp des militaristes. Il aura mesuré le bénéfice/coût.
Cette approche est plutôt rationnelle, peut être trop rationnelle.
L’ultime évolution
Mondialisation et hypersociétés, convergence des savoirs et compétition technologique, convergence des enjeux et ultra compétition économique, convergence spirituelle et compétition des valeurs sociétales, quelle sera l’évolution à venir ?
Elle ne sera que les prolongements de la condition humaine et des ses sept capacités primitives : capacité de temporalisation, capacité de communication, capacité de conceptualisation, capacité de socialisation, capacité de dénombrement, capacité de création, capacité de ….
Ce chapitre reste à écrire… mais vous pouvez lire mon autre blog « l’évolution de la société contemporaine. »
Kristo de Foulonval mars 2021
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